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modifier ont été infructueuses. S’ils ont paru s’amender un moment sous l’influence d’un traitement, ils retombent aussitôt qu’ils sont livrés à eux-mêmes. » Il y a plus ; suivant le docteur Thomson et M. Maudsley, certaines maladies du système nerveux qui produisent l’imbécillité, la dipsomanie, la chorée, l’épilepsie, peuvent se transmettre et donner naissance, en se transformant, à ces états cérébraux qui engendrent les anomalies psychiques, causes du crime. Enfin, l’observation des faits semble établir que le crime est héréditaire. Il y a des familles où le vol, l’assassinat, s’infusent, pour ainsi dire, avec le sang. M. Bruce Thomson, dans un travail, On hereditary nature of crime, rapporte qu’il a vu huit prisonniers de la même famille ; dans une autre, l’un des chefs avait été condamné aux travaux forcés pour assassinat, trois frères, une sœur et un mari étaient voleurs, leurs oncles et leurs tantes avaient été au bagne, un neveu et des cousins s’étaient livrés aussi à des actes coupables. M. Ribot, dans son remarquable livre sur l’Hérédité, a cité, de son côté, des cas où la spontanéité et la précocité du penchant au crime permettent difficilement d’invoquer l’influence de l’éducation ou de l’exemple. On trouve même des faits d’atavisme : le crime passe du grand-père au petit-fils en sautant une génération.

Cette fatalité héréditaire finit par s’imprimer sur l’organisme en traits reconnaissables : la dégénérescence physique accompagne et dénonce la dégénérescence morale. La population criminelle des grandes villes, selon MM. Maudsley et Bruce Thomson, forme une véritable caste ; « la physionomie de ses membres se décèle si bien, que les employés de la police pourraient aller les recueillir au milieu d’une nombreuse réunion, soit à l’église, soit dans les marchés. Ce type dégradé se distingue au centre même de la prison. Les traits ne sont pas ceux d’un ouvrier exerçant une industrie honorable, d’un fermier, d’un employé de chemin de fer, etc. Le visage de ce type est grossier, anguleux, stupide, le teint est sale. Les femmes sont laides de forme, de faciès et de mouvemens ; toutes ont une expression de la physionomie et un maintien aussi sinistres que répulsifs. Comme dans toutes les familles ou les races où il y a dégénérescence physique, on trouve fréquemment des déformations parmi les classes criminelles : déviations spinales, bégaiement, vice des organes du langage, pied bot, division de la voûte palatine, bec-de-lièvre, surdité, paralysie, épilepsie, scrofule, etc. »

Telles sont les considérations principales sur lesquelles on se fonde pour identifier le crime et la folie. On ne prétend pas, il est vrai, qu’un criminel soit nécessairement, et par cela seul, pathologiquement fou, qu’il soit proprement un aliéné ; non, l’aliénation implique toujours un désordre organique, un trouble fonctionnel du cerveau, qui peut parfaitement ne pas se rencontrer chez le