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1816 par exemple, jusqu’à 17,000 hectares : voilà donc près de 3,000 hectares que le dessèchement a rendus, sans aucune dépense des particuliers ni des communes, aux habitans de cette région. Le second résultat éclatant est d’avoir, en substituant à une stérile plaine liquide une vaste étendue de terre féconde, invité à la culture une population importante. La période des premiers travaux a inauguré pour ce pays une prospérité qui ne s’arrêtera pas. Au plus fort de cette activité, en 1856 et 1857, la paie des ouvriers était en moyenne de 80,000 francs par mois. Peu de tâcherons ou de petits entrepreneurs, du moins après les hésitations des premiers temps, étaient étrangers à la contrée, de sorte que tout cet argent est resté dans le pays. On en a eu une preuve intéressante. En 1856, le roi Ferdinand II ayant fait une refonte des monnaies, l’administration des travaux du Fucin fut autorisée à retirer chaque mois du trésor en espèces neuves la somme afférente à la solde totale des ouvriers. Or il arriva que jusqu’en 1859 ces monnaies neuves ne reparurent pas, mais on revit les vieilles pièces, ducats et piastres, qui avant cela étaient rares, preuve évidente que, parmi la population du Fucin, l’épargne égalait deux années de capital circulant.

Les grands travaux une fois terminés, on put s’assurer que, sur plusieurs points autrefois malsains, la santé publique s’était visiblement améliorée. Les fièvres, non-seulement celles qui pouvaient résulter des crues, mais celles qui, avec l’état normal du lac, étaient permanentes, sur la rive sud-ouest spécialement, ont disparu. Il n’y a qu’à faire le tour des nouveaux terrains pour remarquer que chacun des anciens villages, avide maintenant d’espace et de bien-être, construit sur ce qui naguère était la rive des maisons vastes et bien aérées, forme un singulier contraste avec les indicibles masures d’autrefois. Au lieu d’un lac où la pêche seule, même assez abondante, occupait sans beaucoup de profit un nombre restreint de familles, voici de vastes terres livrées à l’infini et fécond labeur des diverses industries agricoles.

La propriété se composant de 14,175 hectares, il en faut défalquer, au point de vue de la culture possible, 650 de fossés, routes et canaux (130 dans le bassin de retenue, 520 dans le reste) ; il en faudra défalquer 2, 843 dans les années, sans doute assez rares, où le bassin de retenue devra être occupé par les eaux. Cela donne encore 13,525 hectares cultivables dans les années ordinaires, 11,332 dans les autres. L’étendue qu’on pourrait mettre en blé est d’environ 10,800 hectares ; une bonne partie est dès à présent employée de la sorte, le reste du sol est en prairies, en bois, en vignes, et en farineux, pommes de terre, fèves, lentilles, haricots, maïs, qui, facilement transportés par la route de Sora, ouverte dans la vallée du Liri en 1854, puis par le chemin de fer à partir