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s’introduisait, sans toutefois rencontrer plus loin des fissures ou des conduits par où elle pût s’échapper. Suivant d’antiques traditions, la célèbre eau Marcia, à laquelle les Romains donnent encore aujourd’hui la palme de la fraîcheur et de la salubrité, après avoir pris naissance dans le pays des Péligniens, traversait la Marsique et le lac Fucin sans y mêler ses eaux, venait se perdre dans les casernes de la Petagna, et reparaissait près de Tibur. Ainsi sans doute faut-il comprendre le texte de Pline (XXXI, 24), dont la première partie s’applique probablement au Gioveneo, affluent oriental du lac, mais qui pour le reste n’est qu’imagination pure.

La troisième visite doit avoir pour objet les parties septentrionale et orientale de la nouvelle vallée. Ce sont les plus pittoresques, parce que les eaux y abondent, non pas toutes canalisées, mais quelquefois libres, et se prêtant à des épisodes imprévus. La végétation y est magnifique ; les arbres y ont vingt-cinq ans ; on est tout surpris d’entendre chanter le rossignol là ou naguère une vaste nappe d’eau s’étendait au pied d’arides montagnes. À peine a-t-on fait quelque chemin qu’on arrive aux peschiere, aux pêcheries ; ce sont de vastes bassins alimentés par les sources, communiquant entre eux, et qui devront servir à tout un établissement de pisciculture. Plus loin, sous d’épais ombrages, on découvre le laghetto. Un échappement de gaz hydrogène carburé a commencé par creuser le sol à la profondeur de 1 mètre, puis de 10, puis de 20 ; l’eau a rempli l’espace resté vide ; elle-même était lancée quelquefois en colonnes de 10 mètres de hauteur. Le petit lac naturel a aujourd’hui 50 mètres de profondeur ; le travail intérieur et souterrain paraît terminé, puisque le gaz ne se manifeste plus et que l’eau abonde en poissons. Les rives ne sont pas encore très fermement fixées, mais les ingénieurs ne doutent aucunement d’obtenir bientôt ce dernier résultat. Avec sa forme capricieuse, ses îles et ses bosquets, ce petit lac donne cet appoint de charme rustique et pittoresque que le luxe de tous les temps, dans les grands domaines, a envié et recherché à grands frais ; une brillante villa serait aisément découpée dans cette partie du bassin lacustre. De ce côté enfin se rencontrent les pacages les plus fréquentés, les cultures les plus variées et les plus avancées, le plus grand nombre de terres louées à des colons ; des gardes préposés à la surveillance générale y habitent avec leurs familles, dans de petites maisons construites avec goût sur un modèle uniforme et qui offrent un aspect d’ordre et de bien-être.

Il est possible dès maintenant de se faire une idée des avantages économiques du dessèchement du lac Fucin. Le premier de tous et le plus évident, c’est la sécurité rendue à un nombre considérable de propriétaires, petits et grands. Le domaine du prince mesure 14,175 hectares ; or le lac a plus d’une fois couvert de ses eaux, en