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pressions étaient si considérables qu’il fallut plus d’une fois se hâter de renouveler les boisages : ils se rompaient sous elles. Le percement de cette petite galerie a été un travail des plus audacieux. »

Enfin cependant, après plusieurs mois de fatigue et d’anxiété, à 85 mètres en amont du point de départ, on acquit par un sondage la certitude qu’on avait dépassé l’éboulement et qu’on était arrivé sous la portion du tunnel romain où les eaux se trouvaient accumulées. Mais ici commençait la seconde partie du problème, non moins ardue ni moins périlleuse que la première. Comment inventer des ouvertures dans le plafond romain assez modérées et à la fois assez résistantes pour faire écouler sans être emportées et brisées, elles-mêmes une masse d’eau devenue très redoutable ? Comment, sans des dangers inouïs, pratiquer ces ouvertures du sein même de l’étroite et fragile galerie par où les eaux devaient tomber ? — Il nous faut ici renoncer à expliquer en détail ce que le langage technique de l’ingénieur peut seul exprimer, et nous devons renvoyer le lecteur au Précis historique ; il y verra comment le problème fut résolu, grâce à un système de dix tubes en fonte, scellés au plafond romain, communiquant avec un gros tube collecteur, et qu’un mécanisme particulier permit d’ouvrir tous à la fois. Ce fut un moment solennel, de ceux qui datent dans la vie d’un ingénieur, que celui où les eaux se précipitèrent avec une série de détonations répercutées dans l’intérieur du tunnel ; nul tuyau cependant ne creva, nulle fissure, nul éboulement ne se produisit ; les ouvriers d’élite et les ingénieurs qui avaient affronté tant de dangers se retirèrent sains et saufs par le puits le plus voisin avec la joie d’un grand succès obtenu.

Tout n’était pas fini. L’eau accumulée dans la partie antérieure du tunnel romain y diminua rapidement pendant les premiers jours, puis son niveau demeura stationnaire ; on pouvait s’en convaincre en descendant jusque dans cette galerie. A quel nouvel obstacle avait-on affaire, et comment le rechercher ? Il y avait entre le plafond et la superficie actuelle de l’eau un espace suffisant pour qu’on y pût faire circuler une très petite barque. Cette barque fut construite, et introduite par le puits ; M. Bermont et M. Brisse s’y placèrent et, couchés sur le dos, faute d’espace pour se relever, dirigeant la barque à l’aide de leurs mains appuyées au sommet de la voûte, ils allèrent s’assurer par des sondages que les tubes en fonte n’étaient pas obstrués : la cause de l’arrêt n’était autre qu’une de ces contre-pentes que nous avons signalées dans le radier mal construit de la galerie romaine.

Après avoir rectifié l’émissaire dans ce parcours où deux éboulemens, l’un ancien, l’autre moderne, avaient tant contribué à le ruiner, on se trouvait, sans pousser tout de suite les travaux