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exécuté, soit par la faute des ouvriers, soit par celle des entrepreneurs parcellaires, soit par celle du directeur de l’entreprise, ce qui ne l’empêche pas, à cause de la grandeur des difficultés vaincues, de devoir compter parmi les œuvres les plus considérables qu’ait accomplies l’antiquité.

Nous avons dit qu’en avant du tunnel l’ingénieur romain avait placé un système de constructions ayant pour objet de diriger et de maîtriser la transmission des eaux. C’est l’ensemble de ces ouvrages qu’on désigne sous le nom d’incile : les débris de maçonnerie qu’on en a retrouvés, et dont MM. Brisse et de Rotrou, dans les planches de leur volume, ont reproduit à peu près complètement le détail, ont été assez considérables pour que la forme primitive et surtout le but en fussent restitués avec quelque certitude. Il y avait trois ouvrages différens. Sur la rive même, un petit canal aux bords évasés et fortifiés contre les affouillemens du lac servait de prise d’eau. Puis venait, après une vanne de sûreté, un premier bassin qu’on a supposé, d’après les débris subsistans, avoir dû être de forme hexagonale ; il était suivi d’un second bassin en forme de trapèze et inférieur de 5m,48, qui aboutissait précisément à l’entrée du tunnel. Une vanne se trouvait entre les deux bassins, et une troisième à la tête de l’émissaire.

C’est avec le souvenir de ces dispositions qu’il faut essayer d’expliquer certains textes de Tacite, restés jusqu’à présent très obscurs. On était arrivé à la fin du règne de Claude ; les onze années pendant lesquelles on avait employé au travail de l’émissaire, selon Suétone, 30,000 ouvriers étaient terminées. Narcisse venait de déclarer à l’empereur que tout était prêt pour l’inauguration. Claude, fier de l’œuvre accomplie en son nom, voulut qu’on célébrât à cette occasion une brillante naumachie, pour laquelle on construisit deux flottes composées de trirèmes et de quadrirèmes, les plus forts bâtimens de cette époque. Elles avaient pour équipage 19,000 condamnés ; des radeaux dressés le long des rives étaient montés par les soldats de la garde prétorienne et ceux de la marine, et portaient des machines de guerre prêtes à imposer le courage à ceux qui devaient combattre pour le plaisir de César. Celui-ci, vêtu du manteau impérial, était entouré de sa cour ; il avait à ses côtés Agrippine, qui portait la chlamyde d’or, et le jeune Néron. Le signal de la bataille fut donné par un triton d’argent qu’un mécanisme hydraulique faisait résonner et mouvoir, et, après le combat, on procéda à l’ouverture de l’émissaire. C’est à décrire ce dernier épisode que Tacite emploie des expressions que l’examen raisonné des travaux primitifs peut sans doute aider à mieux comprendre : « Le spectacle achevé, — nous empruntons la traduction de M. Burnouf, — on ouvrit passage aux eaux, et alors parut à découvert l’imperfection de l’ouvrage :