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et M. Bermont morts à la peine, dirige cette immense entreprise, en a rédigé de concert avec M. de Rotrou la relation raisonnée. Leur Précis historique, imprimé aux frais du prince, est accompagné d’un atlas dont les planches servent de commentaire au livre.

La grande opération qui a si bien réussi a été honorée, lors de l’exposition universelle de Paris, bien qu’elle ne fût pas encore achevée, et récemment à l’exposition de Philadelphie, des plus hautes distinctions, décernées au prince, Il est temps de faire connaître en France cette œuvre française accomplie sur le sol italien ; il est temps d’en féliciter le prince et de rendre justice aux ingénieurs éminens qui l’ont conduite, à celui qui y met en ce moment la dernière main. Les empereurs Claude, Trajan, Adrien, avaient tenté à peu près le même effort et n’y avaient pas réussi : il est instructif de comparer les deux époques. Le Précis, dans lequel M. de Rotrou en particulier s’est efforcé de commenter les textes antiques en même temps qu’il rapportait les faits nouveaux, nous rendra la tâche un peu moins difficile. Nous y ajouterons ce que donnent d’informations la vue des lieux et des travaux, l’examen des témoignages écrits et les explications orales.


I

La région du Fucin occupe, dans le massif central et le plus élevé de la chaîne apennine, la partie septentrionale de l’ancien royaume de Naples. Située précisément au milieu de la péninsule italienne, elle en est, comme disait l’antiquité, le vrai ombilic, à plus juste titre que le lac Cutilien, à l’est de Rieti, auquel Varron et Pline attribuaient ce privilège. Si le moyen âge avait su entretenir, si les Italiens des temps modernes avaient su restituer les communications que Rome avait jadis ouvertes, on irait aujourd’hui vers cette contrée directement par Tivoli et Subiaco, à l’est de Rome, en suivant à peu près l’antique voie Valérienne. Commencée en 307 avant Jésus-Christ par le censeur Valerius Maximus, au même temps où la célèbre voie Appienne était construite par le censeur Appius Claudios, la Valérienne conduisait de Tibur à Varia ou Vateria, chantée par Horace, à Carseoli, puis à Albe et à Corfinium, après avoir franchi l’Apennin par des défilés qu’on ne peut plus traverser en voiture et sans guide. Il faut maintenant, pour se rendre à Avezzano, la ville principale du district, parcourir les deux côtés d’un triangle allongé dont la voie Valérienne est la base ; il faut aller à Ceprano ou bien à Roccasecca, sur la ligne ferrée entre Rome et Naples, puis remonter vers le nord. C’est d’ailleurs une route des plus intéressantes, à travers la fertile et industrieuse