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Une des preuves les plus significatives de la pression exercée par une influence occulte sur les déterminations des ouvriers est la grève du New-York-Central. Les agens de cette compagnie n’avaient aucun grief contre leurs chefs, ils n’avaient subi aucune réduction, et ils déclaraient hautement ne pas vouloir se mettre en grève. Le comité de la section à laquelle ils appartenaient en avait décidé autrement. Il adressa à la compagnie la demande d’une augmentation de 25 pour 100 sur tous les salaires, et cette demande monstrueuse, qui n’avait d’autre objet que de provoquer un refus, étant demeurée sans réponse dans les vingt-quatre heures, il ordonna une grève immédiate. Les agens se soumirent à contre-cœur ; ceux qui auraient volontiers résisté furent contraints à l’obéissance par les employés du réseau Erié et les ouvriers qui s’étaient joints à ceux-ci. Cette grève était indispensable aux yeux des organisateurs du mouvement, parce que les lignes du New-York-Central touchent sur plusieurs points celles de l’Érié, et que cette dernière compagnie faisait passer les voyageurs et les valeurs par le réseau voisin. Il fallait rendre le blocus de New-York aussi complet que celui des autres grandes villes du centre, en coupant ses communications avec la région des lacs et avec la Nouvelle-Angleterre.

Un autre résultat de l’intervention de l’Internationale fut le réveil de la grève dans les districts houillers de la Pensylvanie. La sympathie des mineurs était naturellement acquise aux employés des chemins de fer ; mais, épuisés par une grève qui avait duré six mois et encore sous le coup de la répression sanglante qui avait mis fin aux désordres du mois de mars, les mineurs ne songeaient point à recommencer une lutte qui leur avait si mal réussi. Ils y furent amenés cependant, malgré les conseils et les exhortations du clergé des diverses confessions, qui attribua l’insuccès de ses efforts à la prédication incessante d’une nuée d’agens venus du dehors et dont l’arrivée était marquée par la tenue de conciliabules nocturnes. Le Central-Pensylvanien est propriétaire de plusieurs charbonnages, produisant ainsi le charbon dont il a besoin pour son exploitation ; par contre, les principaux charbonnages ont établi des chemins de fer d’embranchement pour se relier aux grandes lignes, aux canaux et aux ports d’embarquement. Lorsque les meneurs eurent entraîné les ouvriers de quelques charbonnages, ils se virent à la tête d’un corps d’opération, à l’aide duquel ils firent cesser tout travail dans les mines, sur les chemins de fer et dans les usines métallurgiques de la région, privant ainsi d’occupation 60,000 ou 80,000 ouvriers. Ils trouvèrent alors en mesure d’attaquer le New-Jersey, où leurs efforts étaient jusque-là demeurés impuissans. La législature de cet état a voté en 1875 une loi