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découragés, prennent la fuite. Vergasillaune lui-même est fait prisonnier. La cavalerie romaine et germaine, lancée à la poursuite des fuyards, en fait un affreux carnage. Un petit nombre seulement put regagner le camp gaulois, et, fin piteuse de cette grandiose entreprise de délivrance, toute cette armée, cédant on ne sait à quels ordres ou à quels mauvais conseils, n’eut plus qu’une idée, s’en aller et se disperser. César dit que, si ses soldats n’avaient pas été si épuisés, il aurait pu la détruire tout entière. Seule, la cavalerie, envoyée derrière elle, après quelques heures de repos, rejoignit l’arrière-garde, dont elle massacra ou captura le plus grand nombre.

Vercingétorix avait pu se maintenir sur le point du rempart qu’il avait réussi à enlever. Témoin du désastre de Vergasillaune, menacé lui aussi d’être cerné et coupé de la ville, il dut, la mort dans l’âme, donner le signal de la retraite. Tout était perdu. Qu’il y eût ou non manque de foi, trahison préméditée chez ses envieux de l’armée de secours, la Gaule venait de montrer son impuissance.

L’histoire connaît-elle une situation plus tragique que celle du noble champion de l’indépendance de nos aïeux, lorsque, rentré dans Alise après cette sanglante et désastreuse journée, il put contempler l’inutilité de ses efforts, l’anéantissement de ses espérances, sa défaite irrévocable ? Il sentait que la Gaule mourait en sa personne. L’âme de la patrie naissante allait s’envoler avec la sienne. Il ne resterait plus que le corps, masse inerte, bonne désormais à être pétrie, triturée, disloquée par la main du vainqueur. Que devenir lui-même ? S’échapper ? Il le pouvait peut-être à la faveur d’un déguisement. Il n’était ni prisonnier ni blessé. Il n’y songea même pas. Pendant cette nuit de Gethsémané, il prit une grande résolution. Il voulut servir encore la patrie par le sacrifice de lui-même ; il avait combattu en chevalier, il voulut finir de même.

Au matin, il réunit une dernière fois le conseil de guerre. « Ce n’est pas dans mon intérêt, leur dit-il, que j’ai entrepris la guerre, c’est pour l’amour de notre liberté commune. Puisqu’il faut céder à la fortune, je m’offre à vous. Donnez satisfaction aux Romains en me faisant mourir, ou bien livrez-moi vivant à leurs vengeances. » Il semble qu’une certaine pudeur empêcha ses compagnons d’armes d’accepter l’une ou l’autre alternative. Du moins César se tait sur l’accueil qui fut fait à cette proposition. Il nous apprend qu’on lui envoya des fondés de pouvoir pour traiter de la reddition. Il exigea qu’on lui livrât les armes et les principaux chefs. Lui-même alla se poster en avant de son camp pour les recevoir. Il ne dit rien non plus de la manière dont Vercingétorix se remit spontanément entre ses mains, nous le savons par d’autres historiens.

Vercingétorix en effet n’attendit pas les licteurs. Il revêtit sa plus