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fonctionnaires et la garnison, était de 502,116 personnes, soit 585 Européens, 482,953 indigènes annamites, 17,754 résidens chinois ; le surplus comprenant des Malabares, des Indiens, des Malais et des Arabes. En 1871, les Européens sont au nombre de 823, les indigènes annamites forment un total de 1,223,916, les Chinois résidens présentent un chiffre de 30,444, la population malaise comprend un groupe de 16,427 personnes ; enfin les Cambodgiens, que la régularité et l’équité de l’administration française ont attirés dans nos limites, sont au nombre de 64,081 ; c’est un total général de 1,335,842 individus. La comparaison des deux tableaux établit un accroissement de plus de 150 pour 100 en quatre ans, et si l’on étendait à 1876 les points de la comparaison, la progression serait plus considérable.

Les progrès du mouvement commercial n’ont pas été moins accentués. Ainsi en 1867 les importations relevées par la statistique s’élèvent à 3,413,386 francs ; les exportations sont de 2,381,580 francs, soit 5,794,966 francs, entrées et sorties réunies. Mais en 1871, le mouvement du commerce dans la Cochinchine française s’exprime par la somme de 160,488,253 francs, savoir : 84, 889,966 francs pour les importations, et pour les exportations, 75,598,287 francs. Il serait sans intérêt de multiplier ici les citations des documens officiels. Tout contribue à prouver la prospérité croissante de notre établissement de Cochinchine. Cette prospérité est si éclatante qu’on ne peut l’envisager sans être ébloui à la pensée des trésors que réserve l’Indo-Chine, comme la caverne des Mille et une Nuits, à ceux qui sauront l’exploiter.

N’insistons pas et bornons-nous à répéter que nous devons à notre marine nationale, à son administration intelligente, à l’action de nos gouverneurs, assez gênée sans doute, mais toujours dirigée par le plus pur patriotisme, le succès signale d’une entreprise difficile et mal étudiée au début. Nos marins, placés loin des regards et des applaudissemens de leurs concitoyens, n’ont pas à leur portée la popularité qu’acquiert facilement le moindre orateur sans quitter le coin de son feu. lis savent s’en passer, contens d’exposer leur vie pour le pays, sans attendre d’autre récompense qu’un avancement souvent bien tardif et une solde bien modeste. Heureusement l’estime affectueuse de leurs concitoyens les dédommage ; ils sont entourés partout de considération ; leur uniforme inspire le respect, leur savoir et leur dévoûment éprouvé donnent confiance. Il faut se féliciter, au milieu de l’abaissement général des caractères, de pouvoir signaler tant de gens de bravoure et de désintéressement qui ne transigent jamais avec le devoir, quels qu’en soient les aspérités ou les dangers.


PAUL MERRUAU.