empreints d’injustice ou d’une rigueur excessive ; elle a laissé l’autorité à tous les fonctionnaires indigènes qui se sont ralliés à nous et qui ont rompu avec la politique des mandarins ; elle s’est réservé seulement une surveillance supérieure exercée par des inspecteurs choisis pour la plupart parmi les officiers. Ils ont mission d’apporter dans l’administration des finances et de la justice la régularité, la modération et l’impartialité. Marins et militaires chargés de ces fonctions sont imbus d’un sentiment de bienveillance éclairée et d’équité imperturbable. Plusieurs, aux époques troublées, ont payé de la vie leur dévoûment et ont été assassinés par des fanatiques. D’autres leur ont succédé sans être aigris par ces catastrophes, continuant à remplir le devoir de leurs prédécesseurs avec la même fermeté indulgente, le même caractère de bienveillance compatissante pour des populations ignorantes. Ce qu’ils ont surtout favorisé avec une sorte de passion, c’est l’instruction dans le cercle où s’exercent leurs fonctions. La Cochinchine ayant longtemps fait partie de l’empire chinois, l’instruction y est en honneur. Nous avons trouvé des populations disposées à profiter des cours publics. Le difficile a toujours été de substituer, d’accord avec les parens, l’enseignement européen à l’étude ingrate et stérile des caractères de la langue chinoise ; on sait qu’on peut passer toute une vie à les apprendre sans jamais les savoir. Nous nous appliquons donc à enseigner aux élèves l’écriture en caractères romains ; les efforts que fait notre administration pour atteindre ce but sont secondés par des membres de congrégations religieuses vouées à l’enseignement. On a fait appel à leur sollicitude, et ils ont répondu sans hésiter au vœu du gouvernement colonial, malgré l’éloignement de la Cochinchine et malgré l’insalubrité du climat. Des progrès remarquables ont été faits dans cette voie. La mission de ces religieux est patriotique, car ce sont des citoyens français qu’ils forment à l’étude du langage de la mère patrie et, avec la connaissance de cette langue, ils leur inspirent les sentimens qui conviennent à des sujets de la France. Nos officiers ont reconnu l’utilité de ce concours, qui, seul peut-être, a rendu leur tâché possible. Ces officiers sont des gens instruits, défiant de leurs propres forces précisément parce qu’ils sont capables d’en mettre beaucoup à l’accomplissement du devoir, pénétrés de l’importance de leur tâche. Voulant propager l’instruction, ils n’ont pas commencé par écarter les instructeurs. On n’aura jamais à leur reprocher une suffisance sotte ni cette confiance béate en soi-même qui est le propre de l’ignorance et que nous voyons fleurir dans tant d’assemblées plus ou moins issues de l’élection. Aussi leurs efforts sont-ils récompensés par le succès. En 1866, nous avions en Cochinchine A9 écoles fréquentées par 1,238 élèves ; en 1870, le nombre des écoles était de 131 et celui des élèves de 5,000.
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