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retrouvé tout récemment, en exécutant le tracé d’un nouveau chemin de fer, les lignes encore très nettes de la double circonvallation en forme d’M renversé que César fit creuser autour de l’oppide gaulois. Enfin une légende peu connue, bien que très populaire dans cette région et dont nous parlons plus loin, donne à la désignation d’Alise-Sainte-Reine une de ces consécrations qui de nos jours valent bien des documens écrits[1].

Du reste, nous n’attachons pas d’importance majeure à notre opinion, et nous reconnaissons volontiers qu’il reste bien des obscurités dues surtout au caractère incomplet des renseignemens transmis par César. Comme nous cherchons surtout dans cette étude une vue d’ensemble sur l’état de la Gaule dans le trop court moment où elle fut à la veille de devenir une grande nation indépendante, nos conclusions resteraient les mêmes s’il était démontré qu’il faut chercher ailleurs le lieu témoin de son dernier grand effort.


III

Une circonstance très inquiétante pour les défenseurs de l’indépendance gauloise, c’est qu’Alise pouvait être investie par une armée nombreuse, habituée aux travaux de siège, et c’était précisément, Vercingétorix le savait, une des supériorités qui rendaient l’armée romaine si redoutable. Il eût de beaucoup préféré s’en tenir à la méthode qui lui avait si bien réussi à Avaricum et surtout à Gergovie, camper au dehors de la place assiégée, tout en communiquant avec elle, et conserver la liberté de ses mouvemens pour en user selon l’issue du siège. Il est donc probable qu’il fut débordé par l’événement et entraîné par son armée en fuite dans cet oppide dont les Gaulois s’exagéraient peut-être la force de résistance. Il est vrai qu’il était admirablement protégé, surtout à l’ouest et au sud, par des rochers à pic. Une enceinte fortifiée, dont on a retrouvé les vestiges, remplissait les vides ; mais le tout ne faisait qu’un cercle de médiocre étendue, et pour espacer ses nombreux soldats, Vercingétorix fit élever rapidement à mi-côte un mur de pierres sèches percé de place en place par des portes étroites.

César ne perdit pas de temps non plus. Il avait tout de suite reconnu l’avantage que lui offrait la possibilité d’un investissement complet, et il fit immédiatement travailler à la gigantesque tranchée qui devait l’effectuer. Il ne fallait rien moins que creuser

  1. On trouve dans l’Histoire romaine de M. Mommsen, traduite par M. Alexandre, t. VIII, p. 97, un résumé des plus concluans, œuvre du traducteur, des raisons critiques et archéologiques militant en faveur d’Alise-Sainte-Reine.