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relèvement impossible, car, lors même qu’une vie de repentir l’eût réhabilité, la flétrissure qu’il portait le rejetait forcément aux yeux du public dans la classe des infâmes.

Le supplice de la marque était généralement associé à celui du fouet dont l’emploi remonte à l’antiquité. La flagellation était un des châtimens usités à Rome ; elle précédait souvent la décapitation par la hache ; le coupable était battu de verges par le licteur. Mais l’idée d’ignominie attachée à un tel châtiment le fit supprimer comme dégradant, et l’usage en fut aboli par la loi Porcia, qui interdisait de frapper de verges le citoyen romain ; on ne conserva alors la peine du fouet que pour l’esclave. L’église adopta ce châtiment, qui était employé depuis une haute antiquité en Orient ; elle n’y pouvait attacher un caractère d’infamie. Infligé au Christ, il avait été par là même ennobli : il fut regardé comme un instrument de pénitence et administré à cette intention ; il fournit à l’ascétisme un moyen de châtier la chair et de lui imposer une discipline, ainsi que le rappelait le nom qui lui fut imposé. La législation criminelle de l’ancien régime, qui procédait plus de la loi romaine que de la loi canonique, maintint à la flagellation son caractère infamant ; elle était du moins réputée telle, quand, au lieu d’être appliquée dans la prison par les mains du geôlier ou du questionnaire, elle était administrée dans les places et les carrefours par le bourreau. Le fouet public prenait à ce titre place dans la pénalité d’autrefois. La peine de la marque et du fouet entraînait d’ordinaire le bannissement temporaire. D’après un usage que relatent plusieurs anciennes coutumes, on infligeait le fouet aux vagabonds de profession, aux filles de mauvaise vie, au moins à celles qui avaient donné lieu à quelque scandale, et aux proxénètes, contre lesquels l’antiquité, en Grèce et à Rome, s’était montrée justement sévère. On étendit ce châtiment à ceux qu’une maladie funeste avait déjà punis de leur incontinence, et, encore au siècle dernier, le malade était fustigé au sortir de l’hôpital ; toutefois alors la fustigation n’était point publique et prenait ainsi le caractère d’une pénitence. En ce cas comme en bien d’autres, le châtiment ne tombait guère que sur la canaille. Tandis que, dans les plus hauts rangs de la société, hommes et femmes donnaient le spectacle quasi public de la débauche et allaient se faire traiter par le célèbre chirurgien La Peyronie, qui ne leur administrait certainement pas la discipline, une malheureuse prostituée ou un jeune homme qui avait cédé à un moment d’égarement dans les bras d’une Phryné de bas étage expiait sous le fouet ses désordres. Ce supplice inspirait au reste le dégoût aux gens sensés, et, comme il avait fini par n’être infligé qu’à un petit nombre de ceux qui eussent dû y être condamnés, il ressemblait fort à une comédie. L’avocat Barbier, rapportant l’histoire d’une