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à la question les personnes nobles et d’un état distingué que celles qui étaient de condition vile et roturière.

Mais le prestige que gardaient les gens de qualité, même au pied de l’échafaud, sous le poids d’une condamnation capitale encourue pour un crime, s’effaça promptement avec les progrès du sens du juste et du droit. Après que l’autorité royale eut fait d’éclatans exemples de seigneurs qui désolaient et rançonnaient le plat pays, qui se permettaient sur les voyageurs et les passans, sur leurs sujets, toutes sortes d’exactions, les juges royaux se montrèrent sans pitié pour les nobles qui persistaient à mener cette vie de brigands ; l’on ne voulut plus reconnaître dans l’auteur d’un guet-apens ou de quelque autre horrible méfait l’homme de qualité ; il fut assimilé à un vil malfaiteur. « Pour les crimes qui méritent la mort, écrit Loisel, dans ses Institutes, le vilain sera pendu et le noble décapité ; toutefois où le noble serait convaincu d’un vilain cas, il sera pendu comme le vilain. » Ajoutons que ce ne fut pas seulement la pendaison à laquelle s’exposait le noble qui se ravalait à la condition des infâmes, tous les genres de supplice auxquels ceux-ci se voyaient condamnés pouvaient lui être appliqués, et ce principe fut de bonne heure mis en vigueur, car au temps même où l’on tolérait du seigneur envers ses sujets des actes que la justice royale punit sévèrement plus tard, on ne distinguait guère dans les exécutions sommaires qui se faisaient des brigands, entre le gentilhomme et le roturier. Les cotereaux, les brabançons, les écorcheurs, les malandrins et toutes ces bandes de routiers qui portaient partout le meurtre et le pillage, causaient un tel effroi qu’on ne songeait guère à réclamer pour ceux qui avaient été pris autre chose que la punition des larrons. Dans l’intérêt de la sécurité publique, on avait mis ceux-ci hors la loi, et déjà Beaumanoir, au XIIIe siècle, refuse aux voleurs de grands chemins le bénéfice du droit d’asile. Le vol et des délits analogues, mais non la fausse monnaie, entraînèrent donc pour le gentilhomme la pendaison, comme pour le vilain.

A mesure que la noblesse se ruina davantage par ses folles dépenses, sa dissipation, son goût effréné pour le jeu, les cas de gentilshommes exécutés comme de vils malfaiteurs furent de plus en plus communs, les dettes et la débauche ayant conduit au crime et de là au gibet bien des gens de qualité. Au XVIIe siècle, les deux assassins de l’infortunée marquise de Ganges, qui étaient ses deux beaux-frères, furent condamnés par le parlement de Toulouse à être rompus vifs : il est vrai qu’ils ne le furent que par contumace ; mais les exemples ne manquent pas de gentilshommes bien et dûment roués. En 1722, on rouait à Paris un gentilhomme nommé de La Roche, qui avait été page du maréchal d’Estrées et faisait partie