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de ce que les parties voulaient obtenir par les lettres de committimus, l’institution des commissions royales était beaucoup moins en faveur des accusés qu’en faveur de l’accusation. On privait ainsi le prévenu de plusieurs des garanties qu’il aurait trouvées devant la juridiction ordinaire. De tels tribunaux furent le produit d’un redoublement de sévérité. Aussi les voit-on souvent établis pour le cas de crime de lèse-majesté ou pour des affaires dans lesquelles on redoutait quelque haute influence, quelque puissante intervention. Louis XI employa ces commissions à porter des coups terribles à la féodalité. Mais il en fut d’une semblable institution comme il en avait été de la procédure inquisitoriale : elle ouvrit la porte à des abus crians et suscita de légitimes protestations.

Au reste la royauté, parce qu’elle se regardait comme l’origine de toute justice, s’affranchit sans cesse des devoirs qu’impose l’équité, et elle substitua fréquemment sa volonté arbitraire à l’action régulière des tribunaux qui prononçaient en son nom. Ayant le droit de grâce et donnant des lettres de rémission, de pardon, d’abolition, de respit, qui pouvaient suspendre une procédure, le roi se considéra comme ayant le droit d’infliger une peine, de son propre mouvement, sans l’intervention de la justice, peine exécutoire sur un simple ordre émané de lui par ce qu’on appelait une lettre de cachet. D’ailleurs le devoir du monarque était de prendre les mesures nécessaires à la sûreté de l’état, ce qui semblait impliquer le droit de faire emprisonner arbitrairement, même les plus grands personnages ; les princes du sang n’étaient pas exceptés et se trouvaient parfois exposés davantage à l’application de ce principe, véritable loi des suspects, bien que beaucoup moins généralisée qu’elle le fut pendant la terreur. Quand on entre dans la voie de l’arbitraire, les abus ne se font point attendre ; c’est ce qui arriva pour les lettres de cachet ; dès le XVIe siècle elles étaient l’objet des réclamations des états-généraux. Ainsi, en une foule de cas, on s’éloigna de plus en plus du principe d’égalité devant la loi, les mêmes règles n’étant pas appliquées à l’instruction de tous les délits et les crimes de même nature. Suivant le rang des individus, leur influence, leur position, ils furent justiciables, pour des causes identiques, de tribunaux différens, et purent même être condamnés à des peines par l’arbitraire de la volonté royale ou l’ordre des minisites, qui se substituaient à elle.

Pareille inégalité reparaissait dans la pénalité. J’ai dit que ce n’était pas seulement la nature du délit ou du crime qui motivait le genre du châtiment, que c’était encore la condition du coupable ; c’était en même temps celle de la personne envers laquelle le délit, le crime avait été commis. Ainsi l’inégalité ou plutôt la variété admise pour la procédure et qui résultait de la différence des