écroués le 6 et le 9 avril en compagnie d’une quinzaine d’anciens sergens de ville faits prisonniers comme eux à la journée du 18 mars. On ne fit point l’appel ; Picon se contenta de dire : En rang, et descendez tous. Il y avait là plus de cinquante : hommes qui vaguaient dans le couloir, car la porte de leur cellule restait ouverte toute la journée. L’un d’eux demanda : « Pourquoi nous fait-on descendre, où allons-nous ? — Picon, qui avait reçu le mot du directeur François, répondit : — Il n’y a plus de pain dans la maison ; on va vous conduire à la mairie de Belleville, vous faire une distribution de vivres et vous mettre en liberté. » Les soldats prisonniers coururent à leur cellule, se bouclèrent le sac au dos, se coiffèrent du képi et s’alignèrent dans le corridor. Cependant le maréchal des logis Geanty semblait hésiter ; il regarda Göttmann, le surveillant, un de ceux qui dans la soirée de la veille avaient voulu tenter un coup de force pour sauver ces malheureux. Le surveillant fit de la tête un geste énergique qui signifiait : Ne descendez pas ! Geanty a dû le comprendre ; mais la discipline, l’habitude de toujours obéir fut la plus forte, et puis peut-être s’imaginait-il que l’on « n’en voulait » qu’aux prêtres ; il se retourna vers ses hommes et leur dit : « Allons, descendons ! » Ils partirent tous, deux par deux, marquant le pas, comme s’ils se rendaient à une inspection. On les réunit dans le grand parloir ; à travers les fenêtres, ils purent voir que l’on avait dépavé la cour dans laquelle se tenait un peloton qui n’était pas composé de plus de trente-cinq hommes. Émile Gois, tout vêtu de rouge, accompagné de François, vint regarder les otages ; rapidement, il en supputa le nombre, trente-sept gendarmes ou gardes de Paris, quinze sergens de ville. D’un coup d’œil, il indiqua son peloton d’escorte à François et lui dit : « C’est trop. » On fit sortir tous les sergens de ville, et on les reconduisit à leurs cellules. Au moment où le surveillant Göttmann venait de refermer la grille de la section, il aperçut un garde de Paris qui, plus avisé que les autres, s’était caché et n’avait point suivi ses camarades ; il appela immédiatement le surveillant Bourguignon. ; tous deux entraînèrent le soldat, le poussèrent vers la salle des bains de l’infirmerie en lui recommandant de rester immobile : celui-là du moins fut sauvé.
Le peloton d’escorte ouvrit ses rangs pour recevoir d’abord les gendarmes, ensuite les laïques, puis les prêtres. Émile Gois monta à cheval, et l’on partit. Pour des hommes résolus, l’escorte eût été dérisoire ; mais, nous le répétons, tout ressort était brisé chez ces pauvres soldats, brisé par les mauvais traitemens dont ils avaient été accablés à Montmartre, brisé par la longue captivité qui avait suivi leur défaite ; il ne leur restait plus que l’habitude de la bonne tenue et le courage de bien mourir. Quant aux prêtres, ils