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aimable d’ailleurs sous ses grâces apprêtées, habile à plaire, et qui ne laissait pas échapper une occasion d’accabler l’ambassadeur autrichien de l’éloge de sa souveraine. Il y a une politesse banale qui est le masque transparent de la parfaite indifférence : Mme de Pompadour ne s’en fût pas longtemps accommodée. Ce n’était pas même assez que Starhemberg affectât le ton d’un vulgaire courtisan de la marquise ; il y fallait quelque chose de plus, et que dans ses complimens on sentît un hommage à la femme et non pas seulement au crédit de la maîtresse du roi : autrement l’ambassadeur eût mal fait les affaires de sa cour.

En tout cas, il est désormais acquis à l’histoire que Marie-Thérèse n’a pas écrit le fameux billet de 1756, et si quelque sceptique voulait encore douter de la parole de l’impératrice, il n’aurait qu’à relire les lettres de Mme de Pompadour. Avant le présent de 1758, « elle n’aurait jamais osé, nous dit-elle, se flatter que l’impératrice étendît ses grâces jusqu’à elle. » Ce n’est pas là le langage d’une femme honorée depuis plus de deux ans par une fille des Habsbourg des noms de ma cousine et de ma bonne amie. Son remerciaient serait moins humble et l’expression de sa reconnaissance plus contenue, moins étonnée. Les galanteries de Starhemberg d’abord, l’honneur de correspondre directement avec Kaunitz ensuite, un pupitre de laque indienne et le portrait de l’impératrice enfin : telle est l’adroite gradation des faveurs qui payaient à Mme de Pompadour la part qu’elle fut d’ailleurs tout heureuse et tout aise de prendre à la négociation des trois traités du 1er mai 1756, du 1er mai 1757 et du 30 décembre 1758. Et non-seulement l’impératrice n’accompagna pas d’un billet de sa main l’envoi de 1758, mais Kaunitz ne répondit même pas à la lettre de remercîmens de 1759. Aussi bien pouvait-il désormais s’en fier aux gages donnés par la France, aux rancunes de la marquise contre le roi de Prusse, enfin aux projets ouvertement déclarés de la politique personnelle du roi.

Il resterait peut-être maintenant à toucher quelques mots de cette alliance autrichienne que nos historiens ont reprochée si vivement à Louis XV, comme le plus inopportun et le plus coupable abandon de la politique traditionnelle de Louis XIV, de Mazarin, de Richelieu, d’Henri IV. Bornons-nous à constater que le principe de la politique de Louis XIV et d’Henri IV n’était pas, comme on semble le dire, dans l’abaissement de la maison d’Autriche, mais bien dans le maintien du système de l’équilibre européen. « Abaisser toute puissance qui tenterait de s’élever au-dessus de la sienne, soit en voulant usurper ses possessions, soit en s’arrogeant une injuste prééminence, soit enfin en cherchant à lui enlever son influence et son crédit dans les affaires générales[1], » tel avait été « l’objet politique de la couronne de France. » La maison d’Autriche

  1. Mémoire pour servir d’instructions au sieur comte de Stainville, Filon, p. 79-86.