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quelqu’un que sa majesté très chrétienne honore de son entière confiance et qu’elle assignerait au comte de Starhemberg. Nos propositions, je pense, ne vous donneront pas lieu de regretter la peine que vous aurez prise… » Sans doute Mme de Pompadour répondit à la confiance du chancelier. Comme il pouvait le désirer, car nous lisons dans une dépêche du mois de janvier 1756 : « J’ai été extrêmement flatté de quelques expressions de la petite lettre de Mme de Pompadour que vous m’avez envoyée en dernier lieu, » et, toujours galant, il ajoute : « Je serais bien aise qu’elle voulût se rappeler la promesse de certain portrait de la plus aimable dame du monde que j’attends avec impatience depuis trois ans. » On n’a pas retrouvé la « petite lettre » de Mue de Pompadour ; mais nous en pouvons aisément deviner le contenu. C’étaient sans doute les expressions d’une reconnaissance naïve mêlée d’un peu d’étonnement : la marquise ne s’attendait pas à « cet excès d’honneur, » et elle le laissait voir. Il suffit de comparer les deux lettres de Kaunitz et de noter le changement de ton. La première est d’un diplomate qui commence par tâter le terrain, officielle et froide, comme d’un homme qui ne sait trop la réponse qu’il recevra ; la seconde, avec son post-scriptum, est d’un conquérant qui ne doute plus qu’il ait ville gagnée, familière et badine, comme d’un grand seigneur qui vient de retrouver son aplomb et qui laisse, à travers les formules de sa galanterie, percer une pointe de dédain. En effet, la négociation aboutit promptement, et le traité de Versailles est signé le 1er mai 1756. On remarquera que le nom de l’impératrice n’a pas été seulement prononcé. Il apparaît pour la première fois dans la lettre de remercîment que Kaunitz adresse à la favorite : « L’on doit absolument à votre sagesse, madame, ce qui a été fait jusqu’ici entre les deux cours. Je ne dois pas même vous laisser ignorer que leurs majestés impériales vous rendent toute la justice qui vous est due et ont pour vous tous les sentimens que vous pouvez désirer. » Mme de Pompadour s’empresse de répondre : « C’est avec une grande satisfaction, monsieur, que je vous fais mes complimens sur la réussite des traités conclus entre l’impératrice reine et le roi. Je suis sensiblement touchée de la justice que leurs majestés veulent bien me rendre et des bontés dont elles daignent m’honorer. » Évidemment Marie-Thérèse n’a pas écrit, et l’on ne voit guère à quel moment de la négociation le billet de l’impératrice pourrait être placé. Les galanteries de Starhemberg et de Kaunitz ont suffi : Mme de Pompadour est assez payée de ses peines par l’autographe du chancelier. Aussi va-t-elle, de ce jour, se dévouer entièrement à l’alliance, et, pour le malheur des armes françaises, à la direction de la politique joindre la direction de la guerre. Peu s’en faut qu’elle ne veuille tracer des plans de campagne : elle prétend au moins suivre les événemens. « Qui appelez-vous Salomon du nord, grande femme ? écrit-elle dans le mois de septembre à Mme de Lutzelbourg, dites