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dans laquelle M. le comte d’Harcourt lui étant tombé sur les bras, une partie de son armée a été taillée en pièces, ayant perdu 1,800 chevaux et plus de 1,200 hommes de pied, même toutes les places dans lesquelles il avait laissé des troupes. L’on l’a suivi jusques à Bourg, où l’on tient qu’il s’est embarqué pour Bordeaux. On ne sait pas s’il y aura été reçu. En tout cas, l’armée de M. le comte d’Harcourt, qui est a présent très forte, ne manquera pas de l’y suivre, et ainsi l’on croit qu’il y a peu de ressource, les troupes qui ont été amenées par le cardinal ayant ordre d’aller joindre Saint-Luc, qui est dans la Haute-Guyenne pour prendre toutes ensemble Bordeaux par l’autre côté, en cas qu’ils s’obstinent à vouloir défendre M. le prince.

« Cependant le cardinal avance fort à la cour. On tient qu’il y doit arriver dans deux ou trois jours. Les députés du parlement de Paris en sont revenus cette semaine. L’on a opiné au parlement sur la réponse qui leur a été faite par le roi, qui leur a dit qu’il voulait croire que, lorsque le parlement avait donné ses arrêts contre le cardinal, il n’avait pas su que ce fût sa volonté qu’il revînt avec les troupes levées par lui pour le service de sa majesté. Sur quoi la compagnie ayant délibéré, on a arrêté que très humbles remontrances seraient faites au roi par écrit, et cependant que tous les arrêts contre le cardinal seraient exécutés, de quoi il serait donné avis aux autres parlemens. Quant à l’argent et aux troupes, ces messieurs s’en rapportent à son altesse, sans vouloir même donner d’arrêt pour cela. »

Ce que dit le coadjuteur du traité secret de M. le prince avec le duc d’Orléans n’est pas moins digne d’intérêt. A en juger par sa correspondance avec Charrier, Retz n’était nullement disposé à s’accommoder alors avec M. le prince, comme l’ont prétendu quelques historiens.

« M. de Nemours, mandait-il à l’abbé, est en cette ville depuis cinq ou six jours ; il s’en va commander un corps sur la frontière de Champagne que l’on dit être composé du reste des troupes de Tavannes et d’autres que les Espagnols lui ont donné. Le comte de Fiesque est aussi arrivé depuis trois jours, qui a apporté à son altesse un traité de la part de M. le prince pour leur union. D’abord Monsieur y a fait une grande résistance, les amis de M. le prince voulant l’obliger d’entrer dans le traité d’Espagne, ce qu’il n’a point voulu faire, quoi qu’ils lui en aient pu dire, et ainsi il a fallu ôter cette clause, après quoi son altesse a signé ce traité portant seulement une union contre le cardinal, renonçant au surplus à toute sorte d’intérêts particuliers et à toutes alliances avec les étrangers. M. de Chavigny a eu ordre d’aller à la cour tenir sa place de ministre ; on dit qu’il n’y obéira pas, non plus que M. de Longueil,