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Rome de votre retour, c’est seulement un moyen dont vous devez vous servir pour avancer vos affaires, sans pourtant en rien faire que je ne vous le mande. »

« M. le prince est en si mauvais état que l’on appréhende qu’il ne s’accommode avec le Mazarin. Ce n’est pas que mon sentiment soit tel, et je crois avoir des lumières contraires à cela, mais, si vous le jugez à propos, je m’imagine qu’il pourrait être bon d’en inspirer quelque pensée au pape et de lui faire voir, si cela arrivait, dans la résolution où je suis de ne pas consentir à son retour, que ce changement pourrait troubler ma nomination, ce que je ne doute point qui ne lui fût désagréable, et par la bonté qu’il me témoigne et par la douleur qu’il aurait d’avoir contribué par sa longueur à la révocation d’une chose que je n’ai particulièrement acceptée que sur les paroles que le pape m’a donné, depuis deux ans, par Panzirole, de la souhaiter avec ardeur ; et il est vrai qu’il en a si hautement publié son désir et à tant de gens que l’on commence à s’étonner fort ici comme la chose n’est pas encore faite… »

La menace du retour de Mazarin, tel était donc le puissant ressort qu’à un moment donné l’abbé Charrier était invité à faire jouer pour forcer le pape dans ses derniers retranchemens et lui arracher la promotion. « J’ai reçu la vôtre du 11e du passé, lui écrivait le coadjuteur le 5 janvier 1652, qui a un peu diminué les mauvaises pensées que votre courrier du 13e m’avait donné du succès de mon affaire. Je vois bien que vous n’aviez pas mis encore en jeu le retour du Mazarin, et je ne doute point que vous ne vous en soyez servi présentement que vous avez reçu mes derniers ordres là-dessus, avec les lettres de son altesse royale. Si cela avec les avis que vous avez eus à Rome de l’entrée du Mazarin en France ne font leur effet, j’espère peu de chose à l’avenir, quoique vous paraissiez, par votre dernière, croire que la promotion se fera après les Rois.

« Les affaires sont en France dans une incertitude et une confusion à laquelle on ne peut quasi rien connaître. A l’égard de M. le prince, il était perdu sans réserve, si ce maudit homme n’eût pas entrepris de revenir, et c’est ce qui fait croire à beaucoup qu’il faut nécessairement qu’il y ait quelque réunion entre les princes et Mazarin. Je n’en crois rien, parce que, si cela était, ma nomination aurait été indubitablement révoquée, ce que je ne puis croire, n’en ayant eu aucun avis de vous et ne jugeant pas aussi, par les lumières que je puis avoir à la cour, que cela puisse arriver si promptement, quelque pas que je fasse contre le Mazarin, ayant assez bien pris mes mesures sur ce sujet. Je pourrais pourtant m’y tromper, et puis tout change en un moment. A l’égard de M. le duc d’Orléans, j’y suis autant bien que jamais ; je ne m’y fie pas trop, vous connaissez l’homme.