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et fut, de ce fait, condamné à deux ans de prison. Le 18 mars le délivra. La commune ne pouvait négliger cet homme qui tuait les inspecteurs de police à coups de revolver ; elle en fit une sorte d’émissaire diplomatique et l’envoya prêcher la république universelle à Marseille en compagnie de Gaston Crémieux. Le général Espivent interrompit, sans ménagement, cette farandole révolutionnaire, et Mégy, habile à se sauver en toute occasion, put revenir à Paris. Il fut nommé commandant du fort d’Issy, qu’il évacua, comme l’on sait, dès qu’il trouva le moment opportun. Le 22 mai, il était sur la rive gauche de la Seine ; c’est à lui et c’est à Eudes que l’on doit l’incendie de la Cour des comptes, du palais de la Légion-d’honneur, de la rue de Lille, de la rue du Bac et de la Caisse des dépôts et consignations. Tel était le général, — on l’appelait ainsi, — qui venait en amateur donner bravement un coup de main pour assassiner quelques vieillards. L’autre officier, remarquable par les pommettes roses et les yeux brillans des phthisiques, s’appelait Benjamin Sicard ; ordinairement cordonnier, mais pour l’instant capitaine à ce 101e bataillon que nous retrouvons partout où il y eut des crimes ; il était détaché, en qualité de capitaine d’ordonnance, à la préfecture de police : c’est ce qui justifiait les aiguillettes d’or qui lui battaient la poitrine. Il avait été envoyé par le délégué à la sûreté générale, par Ferré, pour surveiller l’exécution et en rendre compte.

Les fédérés du peloton amené par Genton s’étaient mêlés à ceux de Vérig. Un surveillant nommé Henrion s’approcha d’eux et, parlant à un groupe de Vengeurs de Flourens, il leur dit : — Prenez garde, ce sont des assassinats que vous allez commettre, vous les paierez plus tard. — L’un d’eux lui répondit : — Que voulez-vous ? Ce n’est pas amusant, mais nous avons fusillé ce matin à la préfecture de police, maintenant il faut fusiller ici ; c’est l’ordre. — Henrion reprit : — C’est un crime. — Je ne sais pas ; répliqua le vengeur, on nous a dit que c’étaient des représailles, parce que les Versaillais nous tuent nos hommes. — Henrion s’éloigna et rentra dans le vestibule, à côté du greffe, car il était de service. Genton revint au bout de trois quarts d’heure ; il n’avait pas l’air content, il est probable que Ferré l’avait vertement réprimandé pour n’avoir pas procédé malgré la demi-opposition de François. Celui-ci, prenant l’ordre d’exécution, nominatif cette fois et approuvé, dit : — C’est en règle, — et « sonna au brigadier. » Ramain arriva bientôt ; François lui remit la liste en lui disant : — voilà des détenus qu’il faut faire descendre par le quartier de l’infirmerie. Ramain appela Henrion ; celui-ci se présenta immédiatement, Ramain lui dit : — Allez ouvrir la grille de la quatrième section. — Henrion répondit : — Je vais chercher mes clés ! — Ses clés, il les tenait à la main ; il s’élança dehors, jeta