devait énumérer ses moyens de preuves tout de suite, une fois pour toutes et toutes ensemble ; l’omission entraînait une forclusion, et son principal moyen de repousser les conclusions produites par le ministère public et par la partie civile était la requête d’atténuation, qui n’arrivait que lorsque les juges devaient avoir une opinion déjà arrêtée. Si après les différentes phases de l’instruction, après la requête d’atténuation, au lieu de preuves certaines et péremptoires, il ne se dégageait contre l’accusé que des indices graves, si l’on n’avait pu rien gagner sur lui, suivant l’expression de l’ordonnance de 1539, qui devint en quelque sorte de style, on recourait à la torture, a cette façon d’interroger qui paraissait alors si naturelle qu’on la désigna simplement dans le langage usuel sous le nom de question judiciaire.
L’emploi des tourmens pour arracher aux accusés des aveux est l’un des legs les plus détestables que l’antiquité ait faits au moyen âge ; mais la législation criminelle de nos pères renchérit en rigueur et en cruauté, ici comme ailleurs, sur celle des anciens. En Grèce, à Rome, ce n’étaient guère que les esclaves qu’on mettait à la question, et ce qu’il y avait de plus odieux, c’est que, lors même que l’esclave n’était pas accusé du crime dont le soupçon se portait sur son maître, c’était lui qui endurait la torture afin qu’il déclarât ce qu’il savait. Le citoyen romain avait le privilège de ne pouvoir être soumis à ce mode inhumain d’interrogation ; mais sous les empereurs, dont la personne se plaçait en tout et pour tout au-dessus de la loi commune, le seul soupçon d’avoir conspiré contre leur vie ou leur autorité exposait à être mis à la question, et à dater de l’époque impériale, l’emploi de la torture put être ordonné contre toute catégorie de citoyens quand il s’agissait du crime de lèse-majesté. Sauf chez les Wisigoths, la torture chez les populations d’origine germanique n’était pas appliquée aux hommes libres. Les formes de leur procédure ne se prêtaient guère au reste à l’emploi d’un tel moyen, et on n’y recourut qu’exceptionnellement sous les rois francs ; l’usage semble en être devenu plus fréquent à partir des premiers Capétiens, et l’église ne craignit pas d’y recourir dans ses poursuites contre les hérétiques albigeois. Saint Louis, par une ordonnance de 1254, décréta que les personnes de bonne renommée, quand même elles seraient pauvres, ne pourraient être géhennées sur la déposition d’un seul témoin.
A dater du XIVe siècle, l’emploi de la question devint plus habituel, et on l’administra bientôt sans réserve, mais on n’osa pas tout d’abord prêter à des aveux ainsi obtenus une entière confiance. L’ordonnance de mai 1315 veut que l’accusé ait persévéré dans sa confession un temps suffisant après la géhenne pour que