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imputés ; le gentilhomme comparut dans certains cas à la même barre où le plus infime roturier était jugé. Les cours séculières étendirent leur ressort à nombre d’affaires criminelles dont connaissaient d’abord les tribunaux ecclésiastiques, et l’on finit par ne plus laisser aux officialités que le droit de prononcer des peines canoniques. En même temps, la législation criminelle se relâchait journellement de la cruauté qu’elle avait apportée dans l’emploi de la torture et le choix des supplices.

Cette dernière phase de l’ancienne législation criminelle prépara l’avènement du système de procédure et de pénalités dont nous devons le bienfait à la révolution de 1789. Le travail qui s’était fait dans les esprits appelait la réforme que le long temps qu’on l’avait attendue rendit plus radicale.

Ces traits généraux par lesquels je viens de résumer les vicissitudes de notre ancien droit criminel demandent, pour être bien saisis, qu’on les développe chacun séparément. Il me faut donc maintenant montrer comment s’étaient formées les parties constitutives de cette législation, les assises principales sur lesquelles elle reposait. Je traiterai : 1° de la procédure, c’est-à-dire de la manière d’informer sur le délit ou le crime et de la façon d’en agir avec le prévenu ; 2° de la pénalité, c’est-à-dire de l’estimation de la gravité du crime et du délit dans son rapport avec le châtiment ; 3° de la nature et du mode de ces châtimens mêmes.


II

En France, originairement comme partout où prévalut la tradition barbare, la procédure criminelle ne se distinguait pas de la procédure civile ; elles étaient fondées l’une et l’autre sur le même principe. Au civil, comme au criminel, se trouvaient deux parties en présence : l’une qui réclamait contre un dommage et en poursuivait la réparation, l’autre qui avait à se défendre contre cette réclamation. Le seigneur ou le juge qu’il avait préposé, ayant devant lui les deux parties, examinait les faits de la cause, interrogeait le demandeur et le défendeur, entendait les témoins, ensuite les raisons que l’une et l’autre partie alléguaient ou faisaient alléguer par leurs conseils et défenseurs ; puis, après avoir pris l’avis des hommes libres dont il était assisté, le juge prononçait la sentence ou remettait la décision au duel, à l’épreuve judiciaire. Tout se passait, comme on dirait aujourd’hui, à l’audience, une fois que les premières formalités d’ajournement avaient été remplies. L’extension des moyens de preuve, les nombreux procédés de vérification et de contrôle que permettait une police plus intelligente, plus