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la poursuite et la répression des délits et des crimes ont été définitivement établis au siècle dernier, et nous en étendons aujourd’hui l’application. La philosophie du XVIIIe siècle, par la revendication énergique qu’elle a faite du droit naturel, a continué l’œuvre d’amélioration de la législation pénale commencée par le christianisme, de même que celui-ci avait continué, en la sanctifiant, l’œuvre commencée par la philosophie antique. Toutefois l’action de la philosophie n’a pas été absolument la même que celle de la religion ; les philosophes ont éclairé les intelligences sur nos devoirs envers nos semblables ; l’Évangile a touché les cœurs et fait passer dans les mœurs, sous le nom de charité, une pitié pour autrui qui ne se rencontrait auparavant que dans quelques âmes d’élite. L’une et l’autre action ont concouru à faire pénétrer dans les lois des dispositions destinées à protéger l’innocence et à refréner la vindicte individuelle ; puis de l’étude du droit ainsi constitué sont sortis des principes qu’ont appliqués les législateurs. C’est de la sorte que la justice est devenue l’expression la plus haute et le fondement principal de l’ordre matériel, l’auxiliaire le plus vigilant de la discipline morale. Elle s’est dépouillée de ses rigueurs inexorables et de ses implacables vengeances, pour ne plus être que l’application impartiale des règles imposées à tous et la sanction de l’accomplissement de devoirs dont nul ne saurait s’affranchir. Elle a multiplié les garanties pour les accusés, et simplifié, en les adoucissant, les pratiques employées pour atteindre et frapper le criminel. Au lieu de dépendre du caprice ou de la colère d’un prince, d’un souverain, avec la volonté duquel elle se confondait, au lieu d’être l’effroi du pauvre et le complice du puissant, elle s’est élevée par degré à la hauteur d’une institution qui plane au-dessus des gouvernans, qui a l’équité pour but et la recherche du vrai coupable comme moyens. S’il lui reste encore à effacer les derniers vestiges de ces usages barbares dont elle s’est lentement dépouillée, elle est au moins pure de toutes les horreurs qui, pendant des siècles, ternirent son auguste ministère. Elle procède actuellement au grand jour, elle rend pour ainsi dire chacun juge de ses procédés et de ses arrêts, ? en montrant du doigt la loi qu’elle applique et donnant les motifs de l’interprétation qu’elle en fait. Au milieu des secousses qui ébranlent de temps à autre le corps social et compromettent les progrès accomplis, elle demeure le plus ferme appui de l’ordre menacé, le plus solide rempart contre les excès du pouvoir, contre les violences des factions, le plus sûr refuge de l’innocence opprimée.

Afin de faire saisir à tous le bienfait des institutions judiciaires modernes, j’entreprends de peindre dans leurs traits généraux la procédure et la pénalité de l’ancien régime. L’histoire de la