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De retour à Paris, Compiègne publiait bientôt les résultats de son voyage. On accueillait ces récits avec le plus sympathique intérêt, et il devenait l’objet des distinctions les plus flatteuses. La Société de géographie lui accordait une médaille d’honneur. Compiègne prenait une part importante aux travaux du congrès des sciences géographiques, qui se réunissait en 1875. Il y acquérait une autorité réelle. Sur les conseils du jeune voyageur, la Société de géographie proposait au gouvernement de favoriser une nouvelle expédition, chargée de la découverte des sources de l’Ogooué. On l’organisait bientôt ; on en confiait la direction à MM. de Brazza et Marche. Compiègne se voyait contraint de rester ; sa santé était complètement ruinée. La fièvre le minait, il allait se reposer, disait-il ; mais pour ces natures-là, le repos consiste à agir encore. Il caressait un rêve qui, avec de l’énergie et de la persistance, pouvait devenir une réalité. C’était de partir de l’Égypte, de traverser l’Afrique équatoriale et de retrouver MM. Brazza et Marche vers les sources de l’Ogooué, au centre de la mystérieuse terre. Le plan était gigantesque, il pouvait réussir. C’est alors qu’on offrait à l’ardent Compiègne le poste de secrétaire-général de la Société de géographie du Caire. Il acceptait avec enthousiasme ces fonctions, qui allaient lui donner les moyens d’accomplir la grande entreprise, et, d’accord avec Schweinfurth, il posait bientôt les bases de cette entreprise importante.

Il donnait aux préparatifs de l’expédition une impulsion vigoureuse. L’Afrique équatoriale allait être ouverte, grâce aux efforts d’un Français. Le rêve allait se réaliser. Non ! c’était la mort qui venait. Compiègne tombait tué en duel au Caire par un Allemand. Compiègne, qui avait juré de ne plus se battre, n’avait pas pu refuser le combat. On avait placé à trente pas l’un de l’autre les deux adversaires, armés de pistolets d’arçon, Au commandement des témoins, une seule détonation se faisait entendre. Compiègne, fidèle à son serment, n’avait pas tiré ! Il s’affaissait en criant comme dans un assaut : « Touché ! » Quatre jours après, le 28 février, il expirait. Comme ceux que le ciel favorise, il mourait jeune, à trente ans. Il mourait sans faiblesse (sa foi était, robuste) ; il y avait longtemps qu’il connaissait le charme de la mort.


TIBULLE HAMONT.


Le Mont-Blanc, par M. Charles Durier. Paris 1877. Sandoz et Fischbacher.


Dès la plus haute antiquité, les montagnes ont produit sur l’homme une vive impression. Pour ses yeux comme pour son esprit, elles marquaient la limite où le monde terrestre semble se confondre avec cet au-delà qui est plein d’immenses perspectives et de mystérieux horizons. Les peuples primitifs attribuèrent aux montagnes ce caractère