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que j’ai beaucoup de respect pour le chapeau, mais que j’ai assez de modération pour ne pas le souhaiter par toutes voies, pour m’en. consoler avec beaucoup de facilité et pour me résoudre aisément à vivre en archevêque de Paris, qui est au moins une condition assez douce et dans laquelle je pourrai peut-être faire connaître, plus d’une fois l’année, le respect que j’ai pour le saint-siège, et que le cardinalat, en la personne d’un archevêque de Paris, ne serait pas contraire aux intérêts de Rome. Je ne fais pas de doute que l’on ne soit surpris, au lieu où vous êtes, de la résolution que je prends en ce rencontre. Ils s’en étonneront moins assurément quand vous leur ferez savoir que j’ai, une fois en ma vie, refusé la nomination dans une occasion où je la pouvais prendre avec honneur, mais que je n’étais pas persuadé que je pusse tout à fait satisfaire à la bienséance, qui fut à la prison de MM. les princes ; quand vous ferez entendre que je n’ai jamais tiré aucun avantage des troubles et des mouvemens de France, dans lesquels la providence de Dieu m’a fait tenir une place assez considérable pour avoir eu besoin de modération, pour me défendre de recevoir des biens et des grandeurs, Je m’imagine que, quand l’on connaîtra à Rome mes inclinations et mes maximes, l’on ne prétendra pas de m’obliger à des bassesses indignes de mes premières actions. » Il faut que Retz ait eu une bien grande confiance dans la crédulité de la cour de Rome pour qu’il ait osé lui tenir un langage qui jurait si impudemment avec sa conduite.

« Parlez, mon cher abbé, en ces termes, disait-il en finissant, avec toute la force, toute la liberté et le désintéressement dont vous savez que je suis capable, mais avec toute la douceur et la modération que ma profession m’ordonne. Vous verrez que ce que je vous écris est encore plus véritable dans mon cœur que dans cette lettre ; vous le verrez, dis-je, par l’ordre de son altesse royale que je vous envoie pour votre retour, et que je n’ai obtenu qu’avec beaucoup de difficulté et après des instances très pressantes. Ne répondez aux indifférens qui auront de la curiosité sur ce sujet qu’en leur montrant l’ordre que vous avez de vous en revenir en diligence, et dites à mes amis que, bien que je sois très persuadé que le cardinalat est infiniment au-dessus de mon mérite, je ne le suis pas moins qu’une prétention, traversée par des doutes injurieux, est fort au-dessous de ma conduite et de ma dignité (16 février 1652). »

Le coadjuteur ayant été promu au cardinalat dans le consistoire du 19 février, et la lettre ci-dessus ayant été expédiée le 16, il est manifeste que l’abbé Charrier ne put en faire usage à temps. Ce n’est pas trop présumer non plus de sa prudence et de sa sagesse que de croire qu’il se garda bien de la montrer après coup. C’est