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Dans ses lettres suivantes, le bailli disait au comte de Brienne que la seule cause du retard que le pape mettait à faire une promotion venait de l’embarras où il se trouvait de donner satisfaction à tous les intérêts et à toutes des ambitions de sa famille, et que les intrigues des princes français n’y étaient absolument pour rien. Il lui apprenait en même temps qu’il avait découvert, par ses espions, que Montreuil allait rendre secrètement visite à d’ambassadeur d’Espagne[1]. Pendant ce temps., Montreuil ourdissait intrigues sur intrigues, il écrivait à l’ambassadeur, qui ne daignait pas lui répondre, pour lui demander une audience et pour l’engager « à aller bride en main dans l’affaire du coadjuteur, » attendu que l’armée des princes était sur le point de triompher. Le bailli était assez sage pour ne pas lui répondre et pour ne tenir aucun compte de ses manœuvres.


II

Cependant il venait de recevoir, dans trois lettres de Brienne, des instructions secrètes pour qu’il eût à retarder la promotion du coadjuteur. Voici un curieux passage d’une de ses missives à Brienne, dans lequel ce fait important est, pour la première fois, mis au jour[2] ; « J’ai très bien remarqué, en trois de vos dépêches consécutives, de quelle façon je dois presser la promotion des cardinaux et en quelle sorte telle création nouvelle peut être plus ou moins avantageuse à la France. Je suivrai très ponctuellement les ordres que vous me donnez là-dessus, et vous ne trouverez jamais un plus fidèle exécuteur de vos commandemens. »

Sur ces entrefaites, le bailli eut une très vive discussion avec le pape, à propos d’un démêlé que le consul de France à Civita-Vecchia avait eu avec les agens du gouvernement pontifical. Le consul ayant pris à son service, comme espion, un Italien, les agens du pape trouvèrent cela font mauvais, cherchèrent chicane au consul, violèrent son domicile, s’emparèrent de l’espion, le mirent aux galères, et lorsque le consul éleva da voix, les ministres du pape l’expulsèrent de sa maison et le remplacèrent par un agent romain. Cet acte, d’un arbitraire sans exemple, exaspéra le bailli de Valençay, et il déclara au pape, du ton le plus inconvenant et le plus insolent, que toutes les guerres civiles de France n’étaient pas capables d’empêcher le gouvernement français de lui donner sur les doigts s’il s’émancipait trop. Il ajouta qu’il ne faisait nul compte

  1. Lettres du bailli des 13 et 20 novembre. Archives du ministère des affaires étrangères, Rome, t. CXX.
  2. Lettre du 20 novembre 1651.