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L’audience du pape eut lieu le 3 octobre ; le bailli insista pour que la promotion fût prompte, attendu, disait-il, que le roi avait envie de faire entrer ce prélat dans son conseil aussitôt qu’il serait revêtu de la pourpre. A la nouvelle de la nomination de Retz au cardinalat, Innocent ne put cacher sa joie. Il dit au bailli en souriant, et en faisant une allusion indirecte à Mazarin, que le coadjuteur « était un très bon Français, ce qu’il répéta jusqu’à trois fois, et un bon ecclésiastique. » — « Je reçois grande satisfaction, ajouta-t-il, de ce que le roi a reconnu les bonnes parties et la fidélité qui sont essentiellement en ce personnage. Je verrai la lettre du roi, et dans la prochaine audience je vous parlerai plus clairement de mes résolutions. » En même temps, le pape déclara au bailli qu’il ne tiendrait aucun compte de la demande de Montreuil, puisqu’il n’était porteur d’aucune lettre du roi ; mais qu’il ne pouvait moins faire que de le recevoir[1].

Dans son audience suivante, le pontife, sans soulever la moindre objection, donna parole formelle à l’ambassadeur qu’il acceptait la nomination du coadjuteur au cardinalat, en lui annonçant que la promotion ne pourrait avoir lieu qu’à la fin de novembre ou au commencement de décembre. Il lui apprit en même temps qu’il avait nettement déclaré à Montreuil qu’il ne pourrait accueillir la demande du prince de Conti qu’autant qu’elle serait appuyée par le chef de sa maison[2].

Malgré la réponse du pape, Montreuil ne se tenait pas pour complètement battu, et, s’il ne comptait plus sur la promotion de son maître, il espérait du moins faire échouer celle du coadjuteur, ce qui au fond paraissait être le but principal de sa mission. Sachant à quel point le bailli de Valençay était désireux d’obtenir le chapeau pour lui-même, il lui envoya jusqu’à trois personnes pour le lui offrir de la part du prince de Condé, à la condition qu’il retarderait la promotion du coadjuteur, lequel, ajoutait-il, ne désire la pourpre que pour avoir le pas sur les princes du sang. En même temps, Montreuil faisait insinuer à l’ambassadeur qu’il existait un concert secret entre le duc d’Orléans et le prince de Condé, et que ce dernier ne paraissait être hostile à la promotion du coadjuteur que pour mieux la faire réussir. Le bailli n’eut garde de donner dans le panneau et n’en poursuivit d’abord sa mission qu’avec plus d’activité. Il prévint loyalement l’abbé Charrier de toutes ces intrigues, afin que, de son côté, il pût y mettre obstacle, et il écrivit de sa main au coadjuteur afin de l’assurer de ses services[3].

Le bailli ne tarda pas à recevoir une lettre de Mazarin qui venait

  1. Le bailli de Valençay au comte de Brienne, 9 octobre 1651. Ibid.
  2. Lettre du bailli du 16 octobre 1651. Ibid.
  3. Lettre du bailli du 16 octobre 1651, Ibid.