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cessé d’être. Elle est sur le point de disparaître dans les profondeurs de l’histoire, ou du moins elle ne sera plus qu’un gouvernement de réflexion et de raison. En de pareils temps, le problème du luxe public devient fort difficile à résoudre, car l’imagination qui aidait à le produire et à en jouir s’est éteinte. Le peuple sait qu’il paie, et il n’est plus si sûr que les spectacles qu’on lui offre l’amusent et l’intéressent. La froide défiance, l’ironie sèche, ont dissipé tous les prestiges. La quantité de plans qu’on fait alors pour restaurer un luxe public populaire prouve elle-même la difficulté de l’entreprise, dans le vide laissé par des croyances plus simples et par des mœurs plus naïves.

Nous terminerons ce qui concerne la monarchie absolue comparée au despotisme par une observation qui explique en très grande partie la diversité de leur luxe : nous voulons parler de la différence des origines qu’ils s’attribuent l’un et l’autre. Le monarque absolu des temps modernes n’est plus dieu. Le despote n’attendait pas la mort pour recevoir l’apothéose ; il possédait de son vivant des temples où fumait un encens perpétuel. Il s’efforçait de réaliser sur la terre, et dans son palais même, l’Olympe où sa place était marquée d’avance. Le christianisme a ramené le monarque absolu aux proportions de l’humanité, comme le judaïsme l’avait fait déjà pour ses rois. Le souverain n’est plus dieu, mais élu et représentant de Dieu sur la terre. Xela, au sens chrétien, ne lui confère aucun droit contre la morale ; loin de là : le roi encourt une terrible responsabilité pour ses actes comme roi et comme homme ; juge, il sera jugé à son tour. Mais en fait l’idée de droit divin, quoique moins difficile à porter pour la faiblesse humaine que celle d’une divinité personnelle qui donne tous les droits, a suffi pour créer un rang à part qui demandait une représentation hors ligne et, il faut le dire, bien voisine d’un culte. Point d’adoration idolâtrique, mais des respects et un éclat qui tiennent aussi des sentimens et des pompes d’une religion. Voilà comment il a pu se faire que l’Olympe s’est trouvé de nouveau comme ressuscité par une allégorie superstitieuse, en l’honneur de ces princes, que l’Évangile devait rendre humbles, et que l’idée d’une supériorité surnaturelle a contribué à rendre orgueilleux. Tin roi très chrétien a pu être présenté aux regards sous les traits de Jupiter et d’Apollon. Veut-on savoir quel est, si on ose ainsi parler, le minimum de représentation qu’une telle royauté comporte ? Qu’on lise dans le livre sur la politique sacrée, écrit sous le plus grand des rois, par le plus grand des évêques, le tableau des somptuosités de tout genre qui conviennent à cette sorte de royauté. Salomon est présenté comme le type auquel peut être rapporté ce faste monarchique, qui ne saurait, sans déchoir, beaucoup s’en éloigner. On ne veut