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anglaises ; elle a quelques fonderies et ateliers de construction de machines, quelques raffineries de sucre, quelques filatures et ateliers de tissage, des moulins à farine à vapeur, des distilleries d’alcool, de pétrole, des huileries de graines, voire une fabrique de savon, enfin diverses fabriques de conserves alimentaires, celles-ci très réputées ; mais tout cela, sauf une ou deux exceptions, n’est que pour la consommation locale ou indigène, tout cela ne fournit par an qu’une valeur de 300 millions de francs au plus de produits manufacturés, et ne donne pas à l’exportation un fret considérable comme les fabriques que Marseille a su élever en si grand nombre dans sa banlieue et jusque dans ses murs.

Tout le commerce de Bordeaux est dans son vin, dans les chais où on le manipule, dans les caves où on l’entrepose et le conserve. On peut dire à Bordeaux du vin ce qu’on dit à Marseille du blé et à Paris de l’industrie du bâtiment : « Quand le vin va, tout va. » A Bordeaux, tout le monde parle de ce commerce, s’y intéresse, en vit ; tout le monde est quelque peu propriétaire d’un « château » qui produit des « crus classés » ou que soi-même on classe. Agriculteurs, vignerons, courtiers, commissionnaires, négociais, armateurs, chacun se connaît en vin, sait le déguster, en dire l’âge, la provenance, en fixer le prix, et n’a pas assez de plaisanteries pour ces pauvres Parisiens, ces « Franciots » du nord, qui s’y entendent si peu et qu’on dupe si facilement en matière d’œnologie. Malheureusement des insectes destructeurs, ennemis cachés, implacables, reproduisant leur espèce par milliers sur chaque point, l’oïdium, que le soufre seul repousse, et depuis quelque temps le phylloxéra, contre lequel on ne connaît encore aucun remède absolument efficace, sont venus à diverses reprises s’attaquer en masse à la vigne. Le bassin de la Gironde, bien qu’éprouvé des derniers par le phylloxéra, n’en est pas moins sérieusement atteint : c’est une menace incessante de ruine suspendue, comme une épée de Damoclès, sur tout le Bordelais, sans en excepter le Médoc, où se récoltent les meilleurs vins du département de la Gironde, du monde entier.


II — LES VIGNOBLES DU BORDELAIS.

Le département de la Gironde occupe une superficie de plus d’un million d’hectares dont les deux dixièmes environ sont plantés en vignes. Ces vignobles s’étendent le long des rives de la Gironde, de la Garonne et de la Gascogne, et entre ces deux rivières sur des plateaux, des coteaux légèrement ondulés et les terrains d’alluvions graveleuses qu’ils dominent. De là les noms génériques de vins de