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réputés. Dans tout le bassin de la Gironde, la vigne règne en maîtresse, et ses produits y sont ordinairement de qualité supérieure.

Le mouvement général du port de Bordeaux en 1876 a été d’environ 24,800 navires, jaugeant plus de 2 millions de tonneaux. Ces chiffres se partagent à peu près également à l’entrée et à la sortie, comprennent tous les pavillons, la navigation maritime et fluviale ; celle-ci compose le cinquième environ du tonnage total. Depuis dix ans, le tonnage du port de Bordeaux a augmenté d’un tiers : il n’était que de 1,500,000 tonnes en 1867. L’article d’exportation par excellence est le vin. Bordeaux en expédie, selon l’état des récoltes, jusqu’à 2 millions d’hectolitres par an, les deux cinquièmes de tout ce que produit la Gironde, le trentième de ce que fournit en une bonne année la France entière. Sur les 2 millions d’hectolitres exportés, le vingtième, soit 100,000 hectolitres, est généralement en bouteilles et le reste en futailles. La Plata et l’Uruguay, l’Allemagne, l’Angleterre, la Hollande, la Belgique, les États-Unis, la Russie, le Brésil, les républiques hispano-américaines du Pacifique, les îles Maurice, de la Réunion et les autres colonies françaises, enfin les différens ports de l’Inde, sont par ordre d’importance les principaux pays qui reçoivent le vin de Bordeaux. On sait que ce vin gagne singulièrement au voyage en mer, qu’il soit en fût ou en bouteille, tant par suite des mouvemens cadencés du navire qui lui permettent de se dépouiller, de s’améliorer, qu’à cause de la traversée des tropiques, dont les chaleurs sont particulièrement favorables à l’entier développement, à ce qu’on appelle le travail du vin. On connaît la renommée des vins « retour de l’Inde. » Par contre, les vins de Bourgogne, plus capiteux, plus chauds que les vins girondins, ne voyagent pas impunément en mer, et s’y déprécient même étonnamment.

En échange du vin reçu de Bordeaux, la Plata et l’Uruguay expédient surtout leurs cuirs, leurs peaux, leurs laines ; l’Angleterre ses fontes, son fer, sa houille ; le Chili ses cuivres ; le Pérou son guano, son salpêtre ; l’Inde son riz, ses épices, le jute, l’indigo, le thé ; le Brésil son café, ses bois de teinture ; Venezuela son cacao ; le Mexique sa cochenille ; le Sénégal ses arachides, ses huiles de palme, sa gomme ; Maurice et la Réunion leur sucre, leur vanille ; les États-Unis leur tabac, leur coton, leur pétrole ; la Russie son chanvre, son suif, ses bois. Ce n’est pas tout : Terre-Neuve envoie ses morues ; la Hollande ses fromages ; l’Autriche, l’Allemagne, leurs douelles ou merrains de chêne, dont on fait les barriques : les meilleures sont celles qui viennent de Fiume ou de Trieste, de Dantzick ou de Lubeck. L’Espagne expédie son riche minerai de fer, mais surtout ses vins ordinaires, que l’on coupe ou mélange