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plus modernes comme on en rencontre maintenant beaucoup dans la partie inférieure du canton. Qu’on se figure un fouillis inextricable de chaumières en mélèze noirci, dominé par une église blanche. De voies tracées, nulle apparence ; maisons, fenils, étables, tout se heurte, s’enchevêtre et se bouscule sur un sol houleux, plein de mouvemens saccadés, que nulle main n’a pris la peine de discipliner. Dans ces ruelles grimpantes, tordues, combles de fumier et d’immondices, le soleil ne pénètre qu’au prix de mille biais furtifs et à la manière d’un larron. Les granges surtout ont un aspect indéfinissable : ce sont des constructions suspendues sur des poutres qui reposent elles-mêmes sur une assise inférieure de pierres brutes ; on les juche, dit-on, de la sorte pour que les rongeurs n’y puissent pas atteindre le grain. Entre les pilotis se remisent pêle-mêle les chariots démontés, les traîneaux de montagne, les jougs à bœufs et les instrumens agricoles de tout genre. Quant aux maisons d’habitation, elles ne ressemblent qu’assez peu à ces demeures de l’Oberland bernois dont les galeries sont généralement ornées d’un beau grillage, et les ais des façades ouvragés de sculptures diverses. La hutte valaisane n’a de galerie que sur le côté ; les chambres, très étouffées, sont percées de fenêtres étroites, encombrées de bottes de maïs en train de sécher ; les carreaux consistent uniquement en des ronds de verre unis par du plomb. Le toit d’ardoises ou de bardeaux est surchargé de grosses pierres, sans doute afin que le fœhn, ce vent si redouté des vallées helvétiques, ne décapite point d’un coup l’édifice. L’aménagement intérieur va de pair avec ce mode tout primitif de structure. La même pièce sert d’ordinaire de cuisine, de salle à manger et de dortoir. Dans un coin est l’escabeau à un pied de la trayeuse ; dans un autre gisent les grands coffres peints qui servent d’armoires. Certaines habitations ont, il est vrai, un air un peu moins patriarcal ; mais celles même où la pierre entre comme élément principal représentent encore, avec leurs porches bas et profonds, leurs escaliers encastrés dans des murs massifs, leurs lucarnes en façon de meurtrières, guérites préférées de chats faméliques et roux, un type architectural d’une simplicité tout antique.

Au-dessus du village où nous venions d’entrer se dresse un vieux burg en ruine, ex-citadelle d’un de ces barons du moyen âge, les Tavelli, les Rarogne, les La Tour, que les paysans du Valais ont su de bonne heure réduire à merci. Tandis que la troupe beuglante et ses conducteurs continuaient de suivre l’interminable montée qui serpente à travers le bourg, je coupai court par une ruelle pour escalader le mamelon. De l’ancienne demeure seigneuriale, il ne subsiste qu’une tour dans l’intérieur de laquelle je pus me glisser en rampant grâce à une échancrure creusée à la base. Devant la