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chercher, sur un autre point du Valais, un lieu d’estivage aux abords plus abrupts et plus tourmentés, une rampe d’ascension plus fertile en accidens, d’aspect plus diversifié, et qui aboutisse à une solitude de mayens plus originale et mieux close.


II.

Entre l’embouchure de la vallée de Bagnes et l’étroite brèche qui conduit par Isérable au col d’Égablon s’élève une sommité pennine d’un galbe tout à fait caractéristique : c’est la Pierre-à-Voie, appelée aussi, quoique improprement, Pierre-à-Voir. Ce n’est point une de ces cimes revêches dont les plus émérites grimpeurs osent à peine tenter l’escalade : son altitude extrême n’excède pas 2,500 mètres au-dessus du niveau de la mer ; mais la mesure est tout autre, prise au versant ; là le développement de l’échine alpestre est de plus de 3 lieues l/2, et de la base au sommet il y a pour cinq ou six heures de marche. Par l’ensemble de sa figure, cette montagne forme type ; elle satisfait aux deux conditions essentielles du genre : elle domine et elle court. Son piton d’élancement, sorte de pain de sucre ébréché, attaque résolument le ciel bleu et dessine par-dessus le fouillis des croupes adjacentes un admirable « signal » rocheux, un énorme steinmännli naturel qui manque aux cimes les plus prisées, et notamment au Righi-Kulm. À l’ouest, une longue arête boisée, qui se développe horizontalement, abrite de son rempart une aire plane que presse à droite et à gauche un moutonnement de cônes inégaux. Si l’on continue à suivre de l’œil la projection orientale du mont, on le voit, toujours hérissé d’une robuste végétation, s’abaisser successivement et régulièrement, jusqu’à ce que, au point de brisure de ses attaches secondaires, apparaissent d’autres montagnes plus glabres d’aspect, d’un entablement plus grossier, qui n’en font que mieux ressortir la richesse des contours du premier plan.

Du côté de l’est, la dégradation suit une marche moins rhythmée ; avant d’aboutir à l’oblique trouée de Riddes, la ligne de faîte hésite à plusieurs reprises, elle se ballonne et se déprime, elle se boursoufle et se creuse avec une sorte d’inquiétude ; on dirait qu’elle appréhende l’approche du défilé, qu’elle s’essaie, du plus loin qu’elle peut, à la chute finale qu’elle y doit faire, et que, chaque fois, saisie d’épouvante ou d’orgueil, elle se redresse d’un mouvement fébrile. Au-dessous de l’immense dos continuent de courir, ignorans de ces transes et de ces convulsions, les étages inférieurs du mont. Quelque accident qui survienne, ceux-là sont toujours sûrs de pouvoir rejoindre sans trop de peine leurs tronçons ; il n’y a guère de col qui ne s’adapte à leur taille, et mainte fois leur plan