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LA
VIRE AUX MAYENS
SOUVENIR DES ALPES DU VALAIS.


I.

Il n’est pas au monde de bassin fluvial qui offre une netteté de lignes aussi simple et aussi grandiose que cette ancienne vallée pennine, étendue sur une longueur de plus de 40 lieues, depuis le pont de Saint-Maurice et le col de Balme jusqu’à la Furka, c’est-à-dire des frontières de Vaud et de Savoie au seuil du canton d’Uri. Les deux hautes chaînes parallèles entre lesquelles court le Rhône y forment un double escarpement dont nulle part la masse ne faiblit, et cette vigueur soutenue des jointures n’exclut pas une mobilité étonnante d’aspects. Quand, à partir des éboulis du Bois-Noir, la Dent du Midi dérobe ses pics étincelans, la Dent de Morcles, sa rivale, devient à son tour maîtresse du ciel et y cloue ses crêtes déchiquetées. Lorsque au-delà du coude de Martigny la fière pyramide du mont Catogne, qui de loin barrait l’horizon, s’efface derrière d’autres croupes plus avancées, l’harmonie et l’équilibre des reliefs n’en sont point atteints ; en face de ces croupes surgit aussitôt une série d’autres sommités dont le mont de Fully et le mont des Vents figurent la première amorce. Le voyageur qui chemine en bas sur la route poudreuse du Simplon se sent pris comme entre les murs d’une gigantesque forteresse ; de quelque côté qu’il se tourne, il se heurte à une ceinture de bastions sourcilleux. Les dépressions latérales qui trouent l’énorme massif ne présentent à l’œil que de minces et tortueuses gerçures où il semble à peine possible de se faufiler ; la vérité est que ces brèches, si étroites au début, vont s’évidant pour la plupart en forme de collier de cheval et dessinent