En même temps que ces grands événemens s’accomplissaient au dehors, la convention élaborait la constitution de l’an III. Le gouvernement du directoire marqua un retour aux anciennes idées, et, pour ce qui fait l’objet de cette étude, ce fut un retour au bon sens. On a vu la désorganisation, commencée avec Dumouriez, atteindre son apogée avec Buchot. Cette triste histoire est finie. Les symptômes favorables qui se montrent dès le lendemain du 9 thermidor vont se développer, et le moment est proche où le grand maître de la diplomatie française moderne va marquer l’office des affaires étrangères de l’empreinte de son génie.
Le directoire revint au système des ministères. On ne vit plus cette bizarrerie d’un département politique auprès du pouvoir, faisant double emploi avec la commission. Complètement reconstitué suivant un projet de Thibaudeau, le département des relations extérieures comprit dix bureaux : secrétariat intime, — secrétariat général, — quatre bureaux politiques, — contentieux, — consulats, — archives, — défenses. — A la tête des services, on plaça un ex-conventionnel, membre du conseil des anciens, dont le principal mérite était d’avoir voté la mort de Louis XVI. Aux yeux de la postérité, il n’est que le père d’Eugène Delacroix. Sans influence dans le gouvernement ni sur son personnel, Delacroix fut un des plus ternes parmi nos ministres des affaires étrangères. Quant aux commis, ils avaient été plus malheureux, a La hiérarchie morale des commis est bien changée depuis dix ans, écrivait un contemporain. Autrefois le commis de bureau prenait le pas sur le commis de banquier, et regardait avec dédain le commis marchand, qu’il appelait un courtaud de boutique. Aujourd’hui ce dernier est le seul qui par sa tournure se fasse remarquer. Le commis de banquier vient après, et le pauvre commis de bureau ensuite. » Mal payés et en assignats, les commis de Delacroix travaillaient peu et faisaient de l’opposition. Certains poussaient l’esprit de révolte jusqu’à se traiter de monsieur et se dire vous. Le directoire avait horreur de ces velléités de retour aux formes de l’ancienne politesse; il publia à ce sujet une circulaire qui est un pur chef-d’œuvre, et dont nous ne résistons pas à transcrire quelques phrases : « Si dans ces derniers temps, citoyens, le langage républicain s’est altéré et si l’expression la plus honorable pour tout Français qui sent la dignité de son être semble aujourd’hui dédaignée par les amis de l’ancien régime, ce n’en est pas moins un vrai scandale qu’il se trouve dans les administrations générales ou locales des employés qui affectent eux-mêmes de substituer