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avoir donné l’accolade au nouveau venu, l’admit aux honneurs de la séance. Sur la proposition d’un membre, il fut voté que le drapeau américain flotterait à côté du drapeau tricolore dans la salle des réunions. Les discours prononcés à cette occasion furent traduits dans toutes les langues et publiés à des milliers d’exemplaires. Ne sent-on pas dans ce cérémonial les tendances cosmopolites de la révolution, qui croyait la France trop étroite pour la propagation de ses idées et s’imaginait naïvement qu’elle allait transformer l’univers? Les États-Unis, qui ne partageaient pas cette manière de voir, refusèrent de placer dans la salle du congrès le drapeau français que leur offrit le citoyen Adet, ministre de la république. Cela donna lieu à une curieuse correspondance où les tendances différentes des deux pays sont nettement accusées. — Ce n’est qu’en février 1795 que le premier représentant d’un état monarchique se montre à Paris. Le chevalier Carletti, chambellan du grand-duc de Toscane, prince royal de Hongrie et de Bohême, est reçu démocratiquement par le citoyen Thibaudeau, président de la convention, qui lui donne l’accolade. Deux mois après, le baron de Staël, ambassadeur de Suède, est également introduit, mais avec plus de solennité : on lui offre un siège en face du président, et il parle assis. A cela près, même cérémonie : discours, accolade et publication du procès-verbal traduit dans toutes les langues.

Miot, ayant été envoyé à Florence en qualité de ministre, fut remplacé à la commission par Colchen. Se douterait-on qu’il y avait un commissaire aux affaires étrangères du nom de Colchen pendant que la France signait les glorieux traités de Bâle? Son nom ne paraît nulle part dans les négociations, sur lesquelles le comité de salut public a la haute main et que conduit Barthélémy, un vétéran de la carrière, ambassadeur en Suisse. Du reste, le comité avait eu soin de se faire attribuer des pouvoirs assez étendus pour pouvoir négocier sans en référer tous les jours à la convention. On lui accorda des pouvoirs autrement larges que ceux qu’on avait laissés en 1790 à Louis XVI. Le décret du 22 ventôse (12 mars 1795) lui donnait la faculté de négocier «les trêves, les traités de paix, d’alliance et de commerce, » sauf la ratification de l’assemblée, — excepté pour les arrangemens secrets, qu’il pouvait conclure seul, en tant qu’ils n’infirmaient pas les actes publics. — C’est grâce à ces pouvoirs étendus que le comité mena à bonne fin les négociations de Bâle, qui aboutirent à la paix avec la Prusse, l’Espagne et quelques puissances secondaires. Le faisceau de la coalition était brisé, et la France était en possession de ses frontières naturelles : le Rhin, le Jura et les Alpes.