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jouissance dans ce même talent, et non pas le chercher dans une augmentation de traitement. » Les malheureux commis devaient faire au ministère deux séances par jour : de huit heures du matin à deux heu-es, et de cinq heures à huit heures et demie du soir. Comme ils trouvaient singulier qu’on exigeât une assiduité d’autant plus grande qu’on les payait moins et plus irrégulièrement, le règlement n’était pas observé. Le comité nomma pour y tenir la main un surveillant spécial : c’était l’espionnage entrant dans l’administration, la délation ayant droit de cité, la terreur jusque dans les bureaux. Le surveillant du département, — il y en avait aussi dans les autres ministères, — avait nom Pigneux : c’était un ancien menuisier. Malgré cela, il n’y eut pas de dénonciations parmi les commis : à quoi faut-il l’attribuer ? aux parties de billard de Bachot, ou à la longanimité du citoyen Pigneux ?…

Le 9 thermidor fut accueilli dans les bureaux des affaires étrangères comme dans la France entière avec un immense soupir de soulagement. L’orgie sanglante était à sa fin : on respirait. Le nouveau comité de salut public rompit avec les procédés de Robespierre. La détente générale se fit sentir au département : on fut bientôt débarrassé de Pigneux et du travail du soir. Quant à Buchot, le comité paraît l’avoir oublié. Il chercha un commissaire, et nomma Miot sans penser à révoquer le titulaire du poste (18 brumaire an III (8 novembre 1794). Buchot apprit par un journal qu’il acheta dans la rue qu’on lui avait nommé un successeur. Cette nouvelle l’atterra : aux complimens de condoléance de Miot, il répondit en demandant une place de commis. Le nouveau commissaire s’efforça vainement de lui faire comprendre qu’il serait inconvenant à lui d’entrer comme subalterne dans une administration dont il avait été le chef. Buchot ne comprit pas : il s’indigna contre ses amis poétiques qui l’avaient arraché à sa province et l’abandonnaient sur le pavé. « Si vous ne me jugez pas digne d’être commis, dit-il enfin, gardez-moi du moins comme garçon de bureau. » Miot fut inflexible : il autorisa seulement le malheureux à venir coucher encore à l’hôtel Galiffet. Un beau jour, Buchot prit ses hardes et disparut, après avoir, à ce que prétend Lebas, fait faire une collecte à son profit dans les bureaux. En 1808, il était commis de l’octroi sur le quai de la Tournelle, échoppe no 2. M. de Champagny, informé de la situation précaire de son prédécesseur, lui fit attribuer une pension de 6,000 francs.

C’est pendant que Miot était commissaire, et plusieurs mois après la terreur, que le gouvernement révolutionnaire fut le plus complètement organisé, en ce qui concerne les relations extérieures. Le comité de salut public, — chose bien remarquable, — s’autorisait