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table de marbre que l’on peut voir encore aujourd’hui, ont été signés nombre d’actes importans pour notre histoire nationale : le traité qui consacra l’annexion de la Corse, par exemple, et celui qui mit fin à la guerre de l’indépendance des États-Unis. — Versailles n’était du reste que le siège le plus habituel de l’administration des affaires étrangères. En temps de guerre, quand le roi accompagnait ses armées, les bureaux politiques le suivaient. Il en était de même lors des voyages de la cour à Marly, à Fontainebleau, à Compiègne : le département possédait même une maison dans chacune de ces trois villes.

Les agens des affaires étrangères se divisaient en deux classes bien distinctes, plus séparées qu’elles ne le sont aujourd’hui : les agens du roi à l’étranger et les commis à l’intérieur. La plupart des ambassadeurs et des ministres plénipotentiaires appartenaient à la noblesse. C’était à peu près comme dans l’église : on sait que le haut clergé était recruté presque exclusivement parmi les nobles ; il y avait seulement trois ou quatre petits évêchés assez misérables qu’on réservait à la roture. Les hauts postes diplomatiques, sauf exceptions, n’étaient pas pour les bourgeois. Ceux-ci devaient borner leur ambition à être résidens à Dantzig ou à Genève, ou chargés d’affaires près les Ligues Grises ou l’ordre souverain de Malte. Mais ils occupaient nombre d’emplois de secrétaires, soit secrétaires particuliers appointés par l’ambassadeur, selon l’usage du temps, soit secrétaires d’ambassade nommés par le roi. Et il arrivait souvent qu’ils avaient tout le poids des affaires sérieuses pendant que l’envoyé, homme de cour et représentant d’apparat, se contentait de refléter par son train de maison quelque chose du faste de Versailles.

Bien différent était le personnel intérieur du ministère. Les commis, au nombre de quarante et un sous le comte de Vergennes, sortaient tous de la bourgeoisie, — de cette bourgeoisie éclairée qui sous l’ancien régime était arrivée à prendre la plupart des emplois dans la magistrature et dans l’administration. Beaucoup d’entre eux appartenaient de père en fils au département, et, élevés dans ce milieu, ils connaissaient dès leur jeunesse les usages transmis par la tradition, et les précédens qui si souvent font loi dans les relations internationales. Les autres sortaient des intendances ou de la magistrature. Tous vivaient entre eux, se mêlant peu au monde, fuyant les réunions nombreuses, évitant les conversations où l’on aurait pu mal interpréter leurs paroles. La paisible uniformité de leur existence n’était guère interrompue que s’ils étaient des Marly ou des Fontainebleau. Il n’y avait pas comme de nos jours des mutations avec les postes de l’étranger : nombre de commis