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par la fin : sans doute, il aura été plus vivement attiré vers cette singulière époque où la France a plus vécu pendant quinze ans que pendant les deux siècles antérieurs.


I.

Sous l’ancien régime, la haute direction de la politique étrangère appartenait au roi, et nos souverains y donnaient une attention soutenue, Ceux mêmes qui, comme Louis XV, ont laissé la réputation de sacrifier à leurs plaisirs les intérêts de l’état n’ont jamais cessé d’y tenir la main. C’est que les affaires étrangères étaient les affaires mêmes de nos rois : c’est par leur rôle en Europe, par l’influence de leurs agens sur les autres cours, qu’ils consolidaient leur puissance et leur gloire. À ce point de vue, leurs intérêts se confondaient avec ceux de la France. Ajoutons que rien ne les détournait d’ordinaire de ces hautes préoccupations; sauf à de rares intervalles, on jouissait de la paix à l’intérieur, et le lendemain était assuré. On n’avait pas même à s’inquiéter des mouvemens d’une opinion publique qui n’était guère impérieuse, et qui d’ailleurs n’existait que dans quelques villes. On n’avait donc pas besoin de subordonner à la situation des esprits la direction de la politique étrangère, ni de recourir aux guerres et aux complications du dehors pour faire diversion aux embarras du dedans. Le gouvernement avait cette liberté d’action absolue, indispensable pour profiter des occasions qui se présentent, et cet art de savoir attendre que la sécurité de l’avenir peut seule donner.

Les grandes questions diplomatiques étaient délibérées en conseil sous la présidence du roi. Pendant le règne de Louis XVI, le conseil d’en-haut ou des affaires étrangères se réunissait dans la propre chambre du roi deux fois par semaine, le mercredi et le dimanche. Il se composait d’un certain nombre de hauts officiers de la couronne, y compris, bien entendu, le «secrétaire d’état des commandemens et finances de sa majesté ayant le département des affaires étrangères. » Ce dernier était l’agent chargé d’exécuter les résolutions arrêtées en conseil. Son influence personnelle variait suivant la place qu’il avait su se faire par son talent; c’était dans tous les cas un haut et puissant personnage en relations de tous les instans avec le roi, et possédant toute sa confiance. Ses fonctions mêmes relevaient au-dessus des trois autres ministres, de la guerre, de la marine, de la maison du roi, qui partageaient avec lui le gouvernement. « Voici, disait d’Argenson, la superexcellence de ma charge de ministre des affaires étrangères sur les autres départemens. Je leur dis : Vous,