lors de la révolte des Eburons en disant que la multitude avait autant de droits sur lui que lui sur elle (V, 27). Strabon affirme que le commandant en chef des troupes de chaque canton était désigné tous les ans par le peuple tout entier. Chez les Helvètes, nous voyons Orgétorix et les nobles qu’il avait associés à son complot demander l’assentiment de leur peuple ; celui-ci, d’abord entraîné, découvre les desseins tyranniques du grand agitateur, s’arme contre lui et le somme de comparaître devant l’assemblée du canton, qui le condamne à la peine capitale. Enfin nous verrons Vercingétorix recevoir du suffrage de tous le commandement suprême de la Gaule.
En réalité, la cause même que César assigne à la prépondérance des familles nobles, — on devrait plutôt dire des familles anciennes et riches, — suppose la base généralement démocratique des constitutions gauloises. Il n’est nullement question de droits acquis par une conquête antérieure ni même de droits héréditaires, au sens réel de ce mot. C’est la richesse qui procure le pouvoir par ses conséquences naturelles. Les obérés et les faibles échangent librement une part de leur indépendance pour vivre avec plus de sécurité. César lui-même distingue les cliens ou compagnons (comites] qui restaient dans leurs demeures et devaient seulement partir à l’appel du patron quand celui-ci avait besoin de leur aide, des familiers ou ambacti qui passaient entièrement au service de leur protecteur et lui devaient l’obéissance absolue. Il entrait dans les mœurs que le dévoûment du client et de l’ambactus au patron, du patron à ses cliens et à ses serviteurs, fût illimité[1]. De tout cela résulte que dans une grande partie de la Gaule il y avait, comme nous l’avons dit, un certain nombre de familles dominantes, devant à leurs richesses le monopole plus ou moins consenti des fonctions publiques et qui avaient trouvé le secret de le perpétuer dans leur quasi-caste. Nous aurions là un phénomène très semblable à celui qui constitua les familles gouvernantes des républiques suisses, allemandes et néerlandaises. En Hollande par exemple, sans qu’il y ait eu usurpation préméditée, le pouvoir politique et administratif roula longtemps entre les membres d’une oligarchie bourgeoise qui n’avait dû ce privilège dans l’origine qu’à sa richesse et à ses services, mais qui peu à peu devint une sorte de caste, se prémunit par les mariages et par toute une série d’habiles précautions contre l’intrusion des familles plébéiennes et combattit systématiquement les prétentions de la maison d’Orange, forte des sympathies populaires. C’était un genre de noblesse municipale et provinciale, sans aucun rapport avec la féodalité, mais tout aussi exclusive. À la longue,
- ↑ Il faut aussi mentionner les associations de solidures, contractées sur le pied de la plus parfaite égalité, et où l’on se promettait appui et protection réciproques à la vie et à la mort.