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la population issue du mélange devint assez dense, assez résistante, pour décourager les nouveaux envahisseurs, les repousser par la force ou les absorber quand, de gré ou de force, ils avaient réussi à s’établir sur le territoire. C’est seulement à partir de là qu’il peut être question d’une nationalité gauloise. Auparavant, il n’y a qu’une collectivité de tribus éparses du Rhin à l’Océan. Il est infiniment probable qu’à chaque époque les indigènes de la Gaule, depuis longtemps sédentaires, furent supérieurs socialement aux nouveau-venus qui s’abattaient sur leurs terres. Bien entendu que cette supériorité était tout à fait relative, quelque chose comme celle de la Gaule en général au temps de César quand on la compare à l’état encore sauvage de la Germanie. Il se faisait alors un accord entre les anciens possesseurs du sol et les nouveau-venus analogue à celui qui permit aux Goths et aux Burgundes de s’entendre très vite avec les Gallo-Romains. Ainsi s’expliqueraient ces expéditions étranges de guerriers gaulois, qui, à plusieurs reprises, rebroussant le grand chemin de l’histoire, tombent à l’improviste sur l’Italie, la Grèce, l’Orient, et les étonnent par leur grande taille, leur rudesse et leur indifférence pour la civilisation. Ce devaient être les fils des derniers envahisseurs de la Gaule, à l’étroit dans leur patrie récente et dominés par le souvenir encore très vif des runs triomphans de leurs pères. La Gaule, aux temps historiques, paraît avoir nourri deux types physiques bien distincts, l’un blond, très grand, lymphatique, à tête allongée; l’autre, de taille moyenne ou même petite, sec, nerveux, à tête ronde, de provenance méridionale. Ce dernier doit avoir été le plus ancien sur le sol, attaché à la terre, à moins qu’il ne soit marin, et encore, bien que hardi côtier, il ne pratique pas le long cours. Le premier était plus remuant, batailleur, d’humeur aventureuse, ami des expéditions lointaines, de sorte que longtemps les Grecs et les Romains se figurèrent que tous les Gaulois étaient des géans et ne songeaient qu’à envahir les autres contrées. Au temps de César, cette passion des aventures semble calmée. Les Gaulois aiment leur sol et ne songent plus à s’expatrier.

Pour en revenir au druidisme, il y a bien des raisons de croire qu’il s’est formé au sein des populations gauloises les plus anciennement fixées. Ces « hommes du chêne, » ces fils de la forêt inculte, qui possèdent des traditions médicales, magiques, astrologiques, rebouteurs et pronostiqueurs, et qui savent chanter, cette corporation de sorciers dont le prestige avait fini par s’étendre à la Gaule entière et dont peut-être les bergers illettrés d’aujourd’hui sont les derniers héritiers, ces fidèles du gui et de la verveine, me semblent avoir été adoptés bien plutôt qu’apportés par les hordes immigrantes qui arrivèrent successivement du nord et de l’est à peu