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défauts et de nos qualités, afin de travailler en connaissance de cause au redressement des uns et au développement des autres. La régénération des peuples, comme celle des individus, a pour condition le retour sur soi-même et la connaissance de soi-même.

Une fois engagés sur cette voie, par le temps d’ethnologie qui court, nous devions nécessairement nous poser cette question : Qui sommes-nous au fond? Des Romains, ou à peu près, devenus tels par cinq siècles de domination romaine? Des Germains plus ou moins mélangés, comme les invasions successives de notre territoire par les peuples d’outre-Rhin pourraient en suggérer l’idée? Ou bien le vieux fond celtique de notre nationalité aurait-il conservé, malgré les adjonctions réitérées d’élémens hétérogènes, une prépondérance telle que nous devions chercher nos origines comme peuple, au point de vue moral comme à celui du sang, dans la vieille Gaule, ses oppides et ses forêts druidiques?

De plus en plus tout nous pousse du côté de cette dernière solution; elle a d’abord pour elle la probabilité physique. Il n’est pas admissible qu’une nation aussi nombreuse, aussi caractérisée que l’était la nation gauloise au temps de la conquête romaine, ait été absorbée par les colons et les soldats du peuple conquérant au point de se fondre avec lui en une masse homogène. A l’époque de Sulpice Sévère (fin du IVe siècle), le Gallo-Romain, encore très Gaulois lui-même, affectait de se distinguer de la multitude purement gauloise qui peuplait la presque totalité du territoire. On était pourtant à la veille de la dislocation du grand empire. Quant aux invasions germaines, elles ont disparu promptement dans les profondeurs de la nation envahie. Ce fut l’affaire d’une couple de siècles. En Normandie, l’élément danois ne résista pas cent ans. Nous savons aujourd’hui que la féodalité fut un régime européen général, engendré un peu partout par les mêmes causes, et non pas, comme on l’a cru longtemps, un système social importé de toutes pièces par la conquête. Rome et la Germanie, la première surtout, influèrent sans doute sur notre développement historique, mais elles ne firent de nous évidemment ni des Italiens, ni des Allemands. Ce qui nous distingue depuis si longtemps de nos voisins du sud et de l’est provient donc d’élémens qui existaient déjà, tout au moins en principe ou en germe, antérieurement à la conquête romaine et aux invasions germaines.

Réunissons d’autre part les traits du caractère national de nos aïeux gaulois tels qu’on peut les glaner çà et là dans les livres de l’antiquité. Plus ils sont rares, plus il est instructif de constater les analogies qu’ils présentent avec notre caractère actuel. Notons, pour en saisir la valeur vraie, que les jugemens qui concernent les vieux Gaulois sont le plus souvent des critiques sorties de bouches