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VOYAGE DANS LE PAYS BASQUE.

ses restes maintenant reposent. Quelques jours après, don Carlos le nommait capitaine-général des armées royales, comte de Zumalacarregui, duc de la Victoire, grand d’Espagne de première classe ; ses titres et pensions étaient, aux termes du décret, réversibles sur la tête de sa veuve et de ses trois fils : vains honneurs que devait rendre plus vains encore l’insuccès final des armes du prétendant. Un de ses frères, âgé de quatre-vingt-cinq ans, vit encore, m’a-t-on dit, pauvre prêtre desservant d’une bourgade des environs,

La station de Zumarraga n’est pas loin ; j’y vais prendre le train qui me conduit à Tolosa. Cette ville fut jadis le siège d’assemblées célèbres et le témoin de grandes batailles, et il semble qu’elle n’ait pu prendre son parti de sa déchéance ; elle a je ne sais quel air maussade et renfrogné qui fait avec l’éclat et la fraîcheur de la campagne voisine le contraste le plus frappant ; ses rues sont droites et bien empierrées, mais sans animation, sans commerce ; il y a pourtant quelques belles fabriques de draps et de papiers peints aux environs ; les maisons, largement écussonnées, ont ce cachet de solidité massive et de sombre tristesse qui marque les vieilles constructions espagnoles ; dans la basilique de Santa-Maria, à peine entré, le froid de la pierre vous étreint aux épaules et vous force à trembler Charles VII, comme autrefois son aïeul, avait fait choix de Tolosa pour une de ses capitales ; il y avait installé une école de cadets d’infanterie, et le Cuartel real, journal officiel de la monarchie, s’y publiait ; c’est assez dire quels sont en politique les sentimens de la population tolosane. Par contre, à cinq lieues plus loin, la poétique et vaillante petite ville d’Hernani, sentinelle avancée de Saint-Sébastien, se laissait mitrailler pendant des mois entiers plutôt que d’ouvrir ses portes aux carlistes ; on l’aperçoit au passage du train, fièrement campée sur son coteau, avec son clocher crénelé comme un château-fort, son hôtel de ville éventré, ses maisons étoilées de balles, et tant de blessures encore béantes attestent éloquemment l’énergie de ses défenseurs et leur libéralisme invaincu.


III.

Comme la Vizcaye, le Guipuzcoa possède une ligne de côtes fort découpées et un certain nombre de ports qui acquirent autrefois par la pêche et le commerce une importance considérable ; ils exportaient en quantité le fer, le cuivre, l’étain, les cuirs, les tissus de laine et de lin ; on y salait aussi beaucoup de poissons ; mais la chasse de la baleine faisait encore leur meilleur revenu, chasse si fructueuse alors et si facile que le seul produit des langues, réservé de droit pour les fabriques des églises et les confréries des marins, leur fournissait chaque année des ressources suffisantes.