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VOYAGE DANS LE PAYS BASQUE.

part que dans un cimetière particulier établi à une certaine distance des habitations. Peu de mesures révolutionnaires devaient être aussi mal accueillies dans notre pays ; celle-ci froissait un sentiment autant qu’un usage, et le sentiment, vous le savez, ne raisonne pas; plusieurs fois depuis, il a fallu rappeler sévèrement les autorités locales à l’exécution de la loi. Néanmoins, et bien que la terre du campo-santo ait été bénie par le prêtre, le peuple refuse de s’y agenouiller; l’église est toujours restée pour lui le véritable lieu des sépultures : c’est là qu’il vient implorer Dieu pour ses morts, là que les femmes allument un bout de cierge en leur mémoire, là qu’elles apportent l’offrande qui doit assurer à ces pauvres âmes quelques prières de plus. D’ailleurs, je vous le dis tout bas, il n’est pas prouvé qu’aujourd’hui même en plus d’un village et en dépit de la loi, les morts ne soient pas encore enterrés à l’église. Cela se pratique d’autant plus aisément que, dans les petites localités où il n’y a pas de fossoyeurs en titre, ce sont les parens et les amis du mort qui se chargent de l’inhumation ; de jour, après l’office, on le dépose ostensiblement dans le cimetière officiel; la nuit venue, on le transporte dans la nef. Vous me direz qu’au point de vue administratif il y a là un abus, et qu’il vaudrait mieux pour nos paysans s’en tenir tout simplement à la loi, qui est sage et prévoyante. Aussi n’ai-je l’intention de rien excuser; seulement, je vous ferai observer qu’en somme, si dans les grands centres où la mortalité est considérable ces inhumations intérieures risqueraient d’avoir les plus funestes conséquences, dans des villages de quelques centaines d’âmes, où quatre ou cinq corps à peine descendent au tombeau chaque année, elles sont complètement inoffensives. La vraie morale à tirer de tout ceci, c’est qu’il ne suffit pas, pour y réussir, de décréter ce qui est bon, et qu’on ne change pas d’un trait de plume les vieilles mœurs d’un pays. »

Au sud de Vergara se trouvent les eaux sulfureuses de Santa-Agueda et d’Arechavaleta, les plus renommées peut-être parmi celles de la province, qui en compte beaucoup d’excellentes. La ville de Mondragon, propre, blanche, bien bâtie, se ressent du voisinage et du passage des baigneurs. Un peu plus à l’est est Oñate, siège d’une antique université. Fondée en 1542 par don Rodrigo Sanchez de Mercado, évêque d’Avila, celle-ci n’était plus qu’une simple école d’agriculture quand tout récemment don Carlos imagina de la rétablir sur l’ancien pied et de lui rendre ses chaires de théologie, de jurisprudence, de droit canon et de philosophie. L’ouverture des cours eut lieu le 16 décembre 1874, sous la présidence de don Carlos; lui-même prenait plaisir à interroger les élèves, — je n’ai pu savoir sur quelle matière, — et l’université fonctionna dès lors régulièrement jusqu’à la fin de la guerre. Le bâtiment qu’elle occupait,