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bout de cire enroulé, qu’elle laisse brûler pendant le temps de l’office; à côté une petite corbeille de jonc où sur une serviette blanche se trouvent, avec un pain d’une demi-livre, des légumes, des œufs frais, du chanvre, du vin, des fruits, plus souvent encore quelques cuartos, modeste offrande destinée au pasteur. La messe terminée, le curé, suivi de sa servante ou du sacristain, recueille ces provisions dans un grand panier, prononce pour le repos des morts de chaque famille un certain nombre de prières, puis rentre au presbytère avec le produit de sa tournée. Quand une famille vient de perdre un de ses membres, il est d’usage que la mère ou la veuve du défunt fasse une neuvaine, en assistant régulièrement à la messe du matin, et chaque fois l’offrande se renouvelle, comme aussi les prières du curé.

Une chose m’avait toujours péniblement étonné en parcourant le pays basque espagnol, c’est que chez des populations aussi pieuses, aussi croyantes, les cimetières demeurassent dans un tel état de négligence et d’abandon. Sans doute on en trouverait quelques-uns, à Ayeguy, à Abadiano, soigneusement entretenus, plantés d’arbustes et de fleurs; mais c’est encore là l’exception. La plupart sont odieux à voir : aucune allée tracée, aucune tombe indiquée; ni tertres, ni gazon, pas même une pauvre croix de bois. Tel est le cimetière de Puente-la-Reyna, ville de plus de 3,000 âmes: à part deux ou trois pierres funéraires gisant çà et là, et qui portent le nom de quelque noble famille, on dirait un coin de champ abandonné. Celui de Tiebas, sur la route de Tafalla, occupe l’emplacement d’une maison déserte, dépourvue de toit, et dont les quatre murs lui servent de clôture ; les morts sont enfouis au fur et à mesure dans ce qui faisait autrefois le sol de la cuisine et de l’écurie. A Peña-Cerrada enfin, des crânes, des tibias, tous les ossemens trouvés quand on ouvre des fosses nouvelles sont jetés pêle-mêle auprès de la porte, et le prêtre lui-même les chasse du pied en passant. Comme un jour, devant un campo-santo de village où s’ébattaient les pourceaux, je m’échappais en critiques un peu vives, un médecin du pays, homme fort sensé, me prenant par le bras : « Entendons-nous bien, me dit-il, parce que nos paysans négligent leurs cimetières, ce n’est pas à dire qu’ils manquent de respect pour leurs morts, c’est plutôt que l’endroit attribué aux sépultures ne leur semble pas assez auguste, assez sacré. Vous connaissez l’ancienne coutume, venue des premiers temps du christianisme et conservée religieusement chez nous, d’enterrer les morts sous les dalles de l’église. En 1825, je crois, pour des raisons d’hygiène faciles à comprendre, la population s’accroissant chaque jour, une loi spéciale défendit, par toute l’Espagne, de déposer les corps autre