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VOYAGE DANS LE PAYS BASQUE.

de l’œuvre plus de 60,000 piastres. En 1767, lors de l’expulsion générale des jésuites sous Charles III, l’aile gauche restait à finir; les pierres même étaient toutes taillées et prêtes à être mises en place; on les employa plus tard à bâtir le portail de l’église d’Azpeitia, et l’édifice est demeuré inachevé. Un moment, sous Ferdinand VII, les jésuites s’y réinstallèrent, ils y tenaient un collège de jeunes gens, mais la guerre civile les en chassa de nouveau : aujourd’hui il appartient à la province du Guipuzcoa, qui s’était proposé d’y établir un musée et des archives; nulle décision n’a été prise jusqu’ici, et en attendant, pour prévenir les désastreux effets d’un trop long abandon, une certaine somme chaque année est inscrite au budget provincial qui sert aux réparations les plus indispensables.

Il est bien vrai qu’en dépit du surnom pompeux dont l’a gratifié l’admiration des Guipuzcoans, en dépit du temps, de la peine et de l’argent qu’il a coûté, malgré sa situation magnifique au centre d’une des vallées les plus belles du monde, le monument ne répond point à ce qu’on pourrait en attendre. L’aspect en est imposant, mais froid : fronton, colonnes et coupole, tout cela manque d’originalité; c’est un échantillon après tant d’autres, un des mieux réussis, si l’on veut, de ce lourd style gréco-romain qui caractérise la fin du XVIIe siècle et qui certes ne brille pas par l’inspiration. La partie la plus curieuse à tous égards est encore l’ancien manoir où naquit saint Ignace : selon la volonté de la famille, il est demeuré intact, bien qu’enclavé dans le corps de bâtisse; peut-être valait-il mieux qu’il fût complètement dégagé et qu’on évitât d’y appuyer, comme on l’a fait, les constructions nouvelles. Démantelé sous le règne de Henri IV en punition de la part que ses maîtres avaient prise aux guerres des bandos, il a été reconstruit plus tard, à partir du premier étage, en briques rouges dont la disposition figure des losanges réguliers et dénote par son élégance une époque déjà plus tranquille. La partie basse est en pierres brutes : pour unique ornement, on y voit sculptées au-dessus de la porte les armes de la famille de Loyola : deux lions affrontés et entre les deux un vase en forme de chaudière, suspendu au bout d’une chaîne tombant du bord de l’écu; le tout du reste d’un travail fort grossier. La tour actuelle, haute de deux étages, est entièrement réservée au culte. C’est au second que se trouve la chambre du saint, convertie en chapelle, comme aussi celle de sa mère, située au-dessous; cette chambre est assez vaste, mais si basse de plafond qu’une personne de taille moyenne peut sans peine en atteindre les poutres avec la main; une grille dorée la divise en deux parties : d’un côté l’autel, surmonté de la statue et des reliques d’Ignace; de l’autre l’espace réservé aux fidèles. Le saint est représenté vêtu de la dalmatique