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ne devez vous servir, à mon sens, de ladite lettre de son altesse royale au pape que pour faire une instance pressante et pour lui demander de la part de son altesse royale une explication claire et nette sur le temps de la promotion, les incertitudes de la cour de Rome étant si fort contraires à mes intérêts dans l’état présent des affaires de France, que son altesse royale s’en trouve extrêmement embarrassée et pour le public et pour ce qui me regarde. Vous avez beau champ en cette matière, que vous étendrez selon que vous le jugerez à propos sur les lieux. Je vous répète encore que vous ne devez pas porter au pape ce que son altesse royale vous mande sur le cardinal Mazarin que dans le temps où vous verrez le pape irrésolu et balançant. De sorte que, s’il était absolument déterminé à ne pas faire la promotion devant Noël, il serait plus à propos de ne lui parler de cela qu’après le premier jour de l’an, qui est le temps le plus proche de faire la promotion, en cas qu’il ne la fasse pas devant Noël. Enfin servez-vous de ce moyen (la crainte du retour de Mazarin) dans le temps que vous croirez qu’il pourra porter coup et ne l’employez pas devant ce moment-là, et surtout prenez votre résolution selon que vous voyez les choses sur les lieux ; car moi qui n’y suis pas, je ne sais s’il n’y a pas de péril de faire paraître au pape que le cardinal Mazarin soit en état de revenir. Prenez votre parti sur cette matière comme vous le jugerez plus à propos. C’est un moyen que j’ai cru vous pouvoir mettre en main pour vous en servir autant qu’il vous plaira. Vous voyez qu’il est délicat, mais vous êtes prudent, politique et sage. J’ai cru qu’il pouvait être de si grande conséquence en de certains momens que c’est ce qui m’a obligé de vous dépêcher ce courrier exprès...

« J’écrivis hier par l’ordinaire à M. le marquis del Buffalo et à M. Chigi... J’écris aussi à M. le cardinal Pamfilio et à M. L’ambassadeur. Vous fermerez les lettres et les rendrez, s’il vous plaît... J’espère que cette lettre pourra en quelque manière contenter votre curiosité. Je suis bien fâché que, dans l’humeur où vous êtes de les trouver trop courtes, elle ne soit écrite d’un chiffre encore plus long et plus difficile... Afin que vous soyez moins en peine, je vous dis encore que j’ai lieu de croire que le cardinal Mazarin ne sera pas si fol que de revenir, au moins de quelque temps assez considérable; j’ai des lumières assez certaines de cela... Il est cinq heures du matin, et je travaille depuis six heures du soir; excusez les fautes du chiffre et de l’écriture... Je prie Dieu que le pape donne bientôt des indulgences plénières à votre épaule[1]... » (Paris, le 25 novembre 1651).


R. CHANTELAUZE.

  1. L’abbé Charrier avait sans doute des douleurs de rhumatisme à l’épaule.