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Mais par tous les avis que me donnent ceux qui connaissent en ce pays la cour de Rome, je crois qu’il y faut prendre les choses avec quelque hauteur. Vous voyez les choses de plus près que nous. C’est pourquoi je vous les remets. J’écris à M. le duc de Bracclano et à M. L’ambassadeur, auquel vous ferez de ma part tous les remercîmens que je dois aux bontés qu’il a pour moi. L’on va demain au parlement contre le cardinal Mazarin, à cause des commerces que l’on prétend qu’il a dans le royaume. Quoique je ne me sois pas trouvé au parlement dans les affaires de M. le prince, pour ne pas être son juge, je ne laisse pas d’y aller demain, où je ferai paraître que je ne suis point changé sur ce sujet... »

Une telle assurance ne pouvait être que fort utile au coadjuteur auprès du pape, et désormais il ne s’en fera pas faute. Il était ballotté sans cesse entre la crainte de la révocation et l’espérance de la promotion. Le 15 décembre, il écrivait à son correspondant: « Je crois que ce que je vous mande présentement pourra être inutile, par les apparences que vous me donnez par la vôtre du 20e du passé, du succès de mon affaire. Si pourtant elle n’était pas encore faite quand vous recevrez celle-ci, ce que nous saurons dans peu de jours, je me résoudrai de prendre l’expédient que vous me mandez avoir concerté avec M. L’ambassadeur, ou quelque autre duquel vous serez toujours promptement averti, car, si le pape a passé les fêtes sans faire la promotion, il pourra encore la reculer jusques au carême. Si cela est, je puis croire qu’il y a eu quelque raison particulière dans son esprit qui l’aura fait tenir cette conduite, laquelle continuera encore jusques après les fêtes et que je ne puis apparemment vaincre. Je crois aussi qu’en ce cas les affaires et les changemens de la cour ne pourront pas me mener jusque-là et que vous serez obligé de baiser les mains à sa sainteté. Cependant il est à propos que, sous le nom de son altesse, vous témoigniez au pape et aux autres qui sont dans les affaires de ce pays que Monsieur croit que l’on le maltraite et moi aussi... »

Le coadjuteur n’ignorait pas la haine profonde d’Innocent X contre Mazarin. Il avait calculé avec raison que, si la promotion des cardinaux n’était plus entravée par rien et qu’elle ne dépendît uniquement que de la volonté du pape, la nouvelle de la rentrée en France du cardinal Mazarin était de nature à mettre fin aux lenteurs du pontife. Voici donc ce qu’il disait à l’abbé dans une lettre en date du 25 novembre 1651 : « Je vous dépêche ce courrier exprès sur les appréhensions que l’on a ici de quelque retour précipité du cardinal Mazarin. Si ces avis ne sont pas véritables, ce qui est mon opinion, ce courrier n’est pas inutile, puisque l’ordre de M. le duc d’Orléans, que vous recevrez par lui, peut être un puissant motif au pape pour avancer la promotion, et, s’ils sont vrais,