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pressé comme je suis, il faut que je prenne aussitôt mes résolutions. Je vous conjure donc de faire en sorte que je sache comme le coadjuteur est d’avis que je me conduise, entrant en France avec des troupes, et de ne perdre pas un moment de temps à l’envoyer quérir et lui faire son instruction bien particulière. Je vous réponds que je publierai après ce que le coadjuteur aura jugé à propos. Il faut prendre hardiment une bonne résolution, et le coadjuteur sera bien secondé des Mazarins, qui ne sont pas en si petit nombre, ni si peu considérables qu’ils ne soient capables de quelque chose de grand... » Le 27 novembre, il revenait à la charge pour que le coadjuteur donnât des signes éclatans de sa bonne volonté. « Il s’est déjà passé plus d’un mois, et toutes choses sont dans le même état, et par là mes résolutions sont arrêtées; car la pensée de Mazarin a été toujours, comme elle est présentement, de vouloir agir de concert avec les frondeurs, mais particulièrement avec le coadjuteur. Il a autant d’intérêt que moi de ne différer davantage de concerter avec moi la conduite que je devrai tenir pour me rapprocher de la reine, auprès de laquelle il y a de grandes cabales, qui sont aussi bien contre le coadjuteur que contre moi. Croyez que c’est la pure vérité, et que la reine m’a fait dire dernièrement qu’elle craignait d’être forcée de faire des choses contre son intention... (c’est-à-dire de révoquer malgré elle la nomination du coadjuteur au cardinalat)... Je persiste à vouloir concerter ma conduite avec les frondeurs et particulièrement avec le coadjuteur... Ce qui est plus à craindre, c’est l’accommodement avec M. le prince; mais enfin, il n’y a rien de plus certain qu’on ne saurait rien faire contre moi que le coadjuteur n’en reçoive du préjudice, et puisque nous sommes tout à fait liés, le coadjuteur doit, à mon avis, incessamment travailler pour aplanir le chemin que je dois faire pour être en état de me garantir des malintentionnés, et tirer du roi et de la reine les sûretés nécessaires pour moi et le coadjuteur et ses amis. » Puis Mazarin s’attachait à colorer d’un honnête prétexte son projet de rentrer en France et il voulait que le coadjuteur y prît ostensiblement part, afin évidemment de le ruiner à tout jamais dans l’esprit du public comme parmi les frondeurs. « Il me semble, poursuivait-il, que, la déclaration étant passée, l’entrée de Mazarin avec des troupes pour servir le roi contre M. le prince sera fort plausible, le coadjuteur agissant avec ses amis au même temps, et particulièrement pour disposer le duc d’Orléans en s’entendant de toutes choses avec moi, comme de ma part je ferai avec le coadjuteur... »

Le 5 décembre, Mazarin tentait un dernier effort pour rattacher enfin Retz à sa cause. Protestations d’amitié, offres, séductions, doux reproches, caresses, il mettait tout en œuvre pour le gagner dans une lettre pleine d’éloquence qu’il écrivait à la princesse