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à Bourges (8 octobre), la cour avait fait rédiger une déclaration contre les princes en pleine révolte; mais pendant plusieurs semaines le duc d’Orléans, qui entretenait une correspondance secrète avec les princes, en avait suspendu l’enregistrement, en promettant sans cesse qu’ils étaient sur le point de s’accommoder avec le roi. Pour mettre fin à ces délais, qui compromettaient la dignité royale, le premier président Molé proposa, le 16 novembre, qu’il fût passé outre, et l’affaire allait être mise aux voix lorsque le duc d’Orléans annonça une nouvelle surprenante qui vint tout remettre en suspens : c’était celle de la prochaine arrivée en France du cardinal Mazarin. N’était-il pas plus urgent et plus nécessaire, dit le duc, que le parlement s’occupât des moyens de parer à ce danger que de condamner un prince qui avait pris, il est vrai, les armes contre le roi, mais qui ne cessait de refuser de traiter avec l’ennemi commun? Tel fut l’avis émis par le duc d’Orléans. C’était une révélation pour la cour. De deux choses l’une, ou le coadjuteur n’avait eu aucune prise sur l’oncle du roi ou il trahissait indignement Mazarin. La vérité est qu’il avait promis plus qu’il n’avait pu et voulu tenir, en donnant sa parole à plusieurs reprises, soit à la reine, soit à Mazarin lui-même, par l’entremise de ses amis, qu’il tenterait les derniers efforts pour faciliter le retour de l’exilé. Il n’avait jamais été un seul instant de bonne foi, car il savait fort bien que c’eût été se perdre à tout jamais dans l’esprit du peuple que de prêter les mains à la rentrée aux affaires d’un ministre plus exécré et plus méprisé que jamais. L’essentiel pour lui, c’était de louvoyer, de gagner du "temps pour que sa nomination ne fût pas révoquée, de payer le cardinal de fausses promesses et de paroles dorées, et de détourner ses soupçons par le moyen de la princesse palatine. Il excella à ce jeu, et c’est une justice que Mazarin rendit plus tard à son habileté dans une lettre qu’il écrivait, le 4 mai 1652, à l’abbé Fouquet, après la promotion de Retz. « Le coadjuteur, lui disait-il, a été deux mois entiers à nous amuser, faisant toujours dire qu’il enverrait une personne expresse à la cour et qu’il se déclarerait hautement. Cependant il n’a envoyé aucune personne, il ne s’est point déclaré, et il n’a pas même voulu envoyer à aucune conférence. Tout ce qui m’a paru de lui est qu’il n’a rien oublié pour exciter et fomenter la haine de son altesse royale contre moi, ce qu’il me serait fort aisé de prouver en cas de besoin. »

Ce qui forçait Mazarin à prendre patience, à ne pas faire révoquer brusquement la nomination du coadjuteur, c’était la ferme et courageuse attitude de ce prélat en face de M. le prince. Mazarin n’ignorait pas que c’était le seul homme capable de lui tenir tête dans Paris. Retz se déclarait hautement l’ennemi de Condé et