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communautés. L’assemblée de la volost a pour principale fonction l’élection des fonctionnaires et des juges du bailliage; c’est elle aussi qui désigne les représentans des paysans aux assemblées de district, sorte de conseils généraux communs à toutes les classes. Ces assemblées de volost peuvent entreprendre les travaux ou les fondations au-dessus des forces de chaque communauté isolée, construire des chemins, élever des écoles ou des hospices; à cet effet, elles ont le droit de voter des taxes locales.

Grâce à la propriété collective et au maintien des usages traditionnels du mir, l’assemblée de village (selskii skhod) reste à la fois la plus importante pour les habitans, la plus intéressante pour l’étranger. Elle se compose non point de tous les paysans de la communauté, mais seulement des chefs de ménage (domokhosiaîne). À ce titre, les femmes veuves ou temporairement privées de leurs maris y peuvent prendre place. Dans les villages des ingrates régions du nord, où les hommes vont chercher du travail au loin, les assemblées communales comptent ainsi un grand nombre de femmes. Ce n’est pas l’individu à titre personnel qui intervient dans la délibération des intérêts communs, c’est la famille représentée par son chef. À ce point de vue, l’on peut dire que cette assemblée, dont les membres ne sont point élus, est en réalité une chambre représentative, chacun de ses membres étant le délégué de droit ou le mandataire ne d’une maison, d’une famille. Ce mode de composition par feu ou par ménage découle encore du principe initial de la commune russe, de la propriété collective. Comme le plus souvent c’est par ménage, par tiaglo ou par dvor, que se fait la répartition des terres, c’est la famille en tant que membre de la communauté qui délibère sur les affaires communes ; c’est la famille et non l’individu qui est l’unité sociale et possède une voix dans les conseils de la société. Parfois du reste, quand autour du même foyer se réunissent un ou plusieurs ménages, la maison qui reçoit plusieurs lots de terre peut, du consentement d’autrui, déléguer à l’assemblée deux ou plusieurs membres.

Il est oiseux de montrer combien ce régime de démocratie patriarcale diffère de la démocratie individualiste, telle qu’elle est comprise ou constituée ailleurs. En fait, ce vote par unité domestique, par famille ou par ménage, est bien plus équitable et plus naturel que le vote par tête d’individu mâle et adulte; en fait, il représente bien mieux tous les intérêts, tous les droits et même toutes les personnes que notre suffrage universel qui, ne tenant aucun compte des femmes et des mineurs, ne représente réellement qu’un sexe et qu’un âge, et additionne comme des unités de même ordre des quantités numériquement inégales. Le système du mir,